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Théâtre et francophonie.
jeudi 2 avril 2015 par
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Jacqueline
Une grande banderole indique : kermesse de la paroisse. Madame Le Quesnoy (blonde, jupe et chemisier blanc sur un cardigan bleu, médaille au cou) accueille une mère d’élève (grosse, une robe à gros motifs floraux, un ruban rose dans les cheveux).
Mme Le Quesnoy : Bienvenue à la kermesse de l’école ! A qui ai-je l’honneur ?
Devant l’air ahuri de son interlocutrice qui ne semble pas comprendre
Vous êtes madame ?
Mme Groseille : Moi, c’est Groseille.
Désignant son fils du doigt
C’est le gamin qui m’a traîné ici. Vu qu’il a le prix d’excellence…
Mme Le Quesnoy, levant les bras au ciel : Doux Jésus ! Alors vous êtes la mère de Maurice ? Bravo, chère Madame, je vous félicite. Quelle zénitude d’avoir un enfant aussi brillant !
A voix basse :
Vous avez dû parfaitement cibler son éducation…
Mme Groseille, l’interrompant :
Cibler, cibler, pas tant que ça. Mais le gamin a toujours le nez fourré dans ses bouquins. Et quand c’est pas les livres, il est sur son ordi à chercher sur wiki, wiki comment vous dites déjà ?
Mme Le Quesnoy : Vous voulez dire wikipédia, je suppose ? Ha, chère madame, la vie est bien mal faite ! Si notre fille Bernadette pouvait ressembler un peu à votre Maurice. Ce ne sont pas les livres qui manquent à la maison mais elle n’en ouvre jamais un seul…
Mme Groseille en s’esclaffant : On dit pourtant : « les chiens font pas des chats ». Au fait, vous vous appelez comment, vous ?
Mme Le Quesnoy : Mme Le Quesnoy…
A ce moment, on entend le Père Aubergé, entonner « Jésus revient » en s’accompagnant à la guitare. Sa voix couvre la conversation des deux femmes qui s’éloignent. Tandis que Mme Le Quesnoy reprend avec enthousiasme le refrain avec l’abbé, Madame Groseille s’approche du buffet où se tient déjà Bernadette, qui s’empiffre de petits fours.
Marylène
La scène se passe dans un petit bureau de poste de quartier :
trois guichets,
une table, deux chaises,
quelques machines automatiques.
Dehors on entend les flonflons d’une kermesse .
Un homme, la cinquantaine, attend le résultat des recherches d’une jeune employée affublée de lunettes aussi kitsch que son sourire empressé.
Les autres guichets ne sont pas encore ouverts.
Un deuxième homme, jeune et robuste, chaussé comme un inuit , rentre et se dirige vers les machines.
Une femme entre deux âges, assise sur une chaise, griffonne sur des papiers, elle est très affairée ; quelque peu négligée, elle porte au bras des grigris cliquetants et regarde de très très près des formulaires.
L’homme la cinquantaine :
Quand mon conseiller financier pourra-il me recevoir ?
L’employée, tout sourire :
Attendez j’essaie de le joindre.....
L’homme marmonne
... Trois coups de fil plus tard.
L’employée :
Désolée, ça ne répond pas ... Attendez je vais essayer quelque chose...
(Elle change d’écran, se connecte sur wiki ...)
Ah ça y est ! J’ai son numéro, je vous le donne ? (Large sourire)
Non, appelez le vous même et prenez le rendez vous pour demain matin... (ton sec, tranchant)
Un deuxième guichet est enfin ouvert, une employée, style mère de famille alanguie, s’installe, déjà fatiguée.
L’homme chaussures inuits, s’approche du guichet ciblé : "guichet pro"
Bonjour ! (fort accent serbo Croate) J’ai un rendez-vous avec … heu,... il est pas là monsieur ... Séren … dit Pitié ??
??? Monsieur Sérendi -Pité ?! Non, il n’est pas là ! Ce matin il est à l’agence du 5°.
L’homme cinquantenaire, bravant la sérénité matinale du bureau, lance haut et fort :
Ah, Vladi ! T’es dans le coin toi aussi, qu’est ce que tu deviens ?
L’employée, sourire éclatant, voix triomphale s’interpose :
Ça y est j’ai votre rendez-vous ! Vous notez ? Demain à dix heures ! Ça ira pour vous ?
L’homme note en marmonnant :
Meu ...wouiii !
S’adressant à l’inuit :
T’es devenu chef ?
Non, j’ai créé mon auto-entreprise moi aussi...
L’autre :
Bravo !
L’inuit
... Mais quelle galère ! C’est jamais fini la paperasserie ! Et la banque qui suit pas !
Et toi Jo ?
Toujours pareil : les tracas avec le personnel, huit ouvriers maintenant, et j’te parle pas de ces incapables de banquiers qui sont jamais là quand on a besoin de récupérer le fric qu’on leur confie...
L’employée, sourire accroché, lève les sourcils et dans un souffle rempli de toute la zénitude dont elle est capable :
Beueeu ...
La femme au grigri, s’interpose sans retenue :
J’vous interromps, mais j’ vois que vous aussi, vous avez des problèmes, faut pas chercher, aujourd’hui y a qu’ ça : des PROBLÈMES ! Ils le font exprès ! Y en a qui doivent avoir INTÉRÊT à ça ! Ça peut plus durer !
Les deux hommes se regardent :
INTÉRÊT ?!
Le premier homme (faisant un amalgame ) :
INTÉRÊT ! ! ! (ton suspicieux)
La femme sur la chaise minaude, tapote sur la table, ses grigris s’emballent, sans l’ombre d’une hésitation elle intervient encore, péremptoire :
Toujours la même histoire !
Les deux hommes :
Quelle histoire ????
La vieille crie de plus en plus fort :
Quoi ? quoi ! Vous voyez bien que tout le monde se sert au passage …
Le premier homme :
… Se sert de quoi ?
La vieille :
L’argent encore l’argent, TOUJOURS L’ARGENT, (de plus en plus fort) z’avez pas encore compris ?
Toujours les mêmes qu’en profitent... Votre argent ils veulent pas vous le rendre !
Mis de côté votre pécule ! pfuiiit, envolé ! Y sont pas prêts de vous le rendre...
Dans ses dents, sourire méchant, elle conclut :
Bien fait !
Les deux hommes se regardent, yeux plissés, bouches ouvertes.
Les employées plongent le nez dans leurs dossiers.
La vieille balaie d’un geste brusque de la main les papiers éparpillés qui tombent à côté de la corbeille :
Pfuiiiiiiit, envolés les p’tits papiers !
Elle se dirige vers la sortie, fait mine d’ouvrir la porte :
MERR-DEU ! il pleut... des COORDES !
Contrariée, elle se ravise, retourne en traînant des pieds s’affaler sur une chaise.
Avec le bout de son pied tendu, elle rassemble les papiers en un petit tas, puis péniblement, se baisse et avec toute la délicatesse dont elle encore capable, elle laisse tomber une à une les feuilles dans la corbeille à papiers.
Les deux hommes s’esquivent après une poignée de main virile.
Le cinquantenaire, main sur l’épaule de l’inuit :
T’en fais pas on les reverra nos sous ! Juste quelques petites semaines qu’ils aient le temps de faire le tour de la question et que le conseiller soit revenu du ski !
Courbant le dos, les deux hommes sortent sous la pluie battante prêts à affronter la vie. Ensemble, ils se dirigent d’un pas rapide vers la kermesse et les bruits de la ville.
Elisabeth
Deux écrivains discutent à la terrasse d’un café. Il est Anglais, elle est native du Bengale.
Ils préparent une intervention pour le salon du livre. Leur langue commune est le français.
l’Anglais
Que peut-on lire dans une traduction quand on ne connait pas la langue d’origine ?
L’Indienne
On lit un autre roman que celui qui a été écrit par l’auteur. Les mots ne sont que des équivalences et non l’exactitude. Un traducteur peu rigoureux peut par amalgamme rendre un roman kitch.
l’Anglais
D’où l’intérêt de parler plusieurs langues.
l’Indienne
Avez-vous fait l’effort, vous les Anglais, dans votre colonisation,d’apprendre les vingt-six langues vernaculaires de l’Inde ? Pouvez-vous lire mes romans écrits en bengali ?
L’Anglais
C’était une erreur de mes ancêtres, je ne me sens pas concerné.
l’Indienne
Vous comprendrez avec zénitude, mon rejet culturel de la littérature anglaise. En plus de la langue qui me répugne un peu, Il faut toujours traverser le parc du château, le hall, le salon, voir la robe de la jeune fille avant le premier baiser. C’est trop long !
l’Anglais
Certains auteurs indiens ou pakistanais, qui n’ont pas votre répulsion, ont écrit des romans très intéressants sur les conséquences de la colonisation. Qui pourrait les lire s’ils n’avaient pas été écrits en anglais ?
L’Indienne
Ils seraient traduits. Heureusement, certains auteurs indiens ou pakistanais ont su tirer parti de cet apprentissage obligatoire de l’anglais. Bravo !
l’Anglais
Nous avons dit que la traduction déformait le texte initial. Il vaut mieux cibler la langue qui facilitera la publication.
l’Indienne
C’est la raison pour laquelle je me suis installée en France. Je peux écrire en français ce que je ne pourrais ni écrire en bengali par pudeur, ni en anglais par rejet.
l’Anglais
Je comprends. La richesse de l’Europe, c’est la diversité des langues. Convenons-en et réconcilions nous autour de cette richesse.
Je parlerai de mon livre "Multiples", une sorte de Tour de Babel. qui n’est pas pour autant une kermesse.
Sabine
Dialogue entre deux personnes, le ton monte ;
Madame Wiki, en robe décolletée croise Arthur, bonnet de fourrure sur la tête
Au loin, un haut parleur distille une musique de bal musette
Arthur enjoué
Tiens, voilà Madame Wiki ! Quel plaisir !
Madame Wiki, minaudant :
Vous vous rendez sans doute à la kermesse ?
Arthur indigné
Moi ? à cette manifestation au profit des éléphants en détresse ? Eh bien bravo ! Vous oubliez que je suis d’origine inuite
Madame Wiki
Et alors ? L’important, c’est de participer… Pensez un peu à ses pauvres bêtes abattues pour leur ivoire ?
Artur, agacé
Sans doute, sans doute… mais je ne donnerai pas un centime pour cette cause qui est loin de la mienne…
Ma compassion va plutôt aux malheureux ours blancs complètement désespérés à la vue de la banquise en liquéfaction
Madame Wiki
Pas d’amalgame, voyons ! Vous me décevez, Arthur !
Arthur, solennel
Enfin, Madame Wiki, avant d’agir, il faut d’abord cibler son objectif et réfléchir…
Madame Wiki, rouge d’indignation
C’est vous Arthur qui dites cela ! Laissez- moi rire. D’ailleurs mon mari vous trouve très kitch avec vos pseudo grigris que vous aimez à exhiber en toute zénitude !
Arthur
Votre mari, dites-vous ? Il ferait mieux de défendre la cause des femmes bornées…
Madame Wiki, l’air de plus en plus pincé
Enfin, Arthur , je vous croyais homme charmant et tolérant, et je découvre avec tristesse un homme arrogant et désagréable. Aucune sérendipité chez vous !
Arthur , moqueur
Allons, allons, madame Wiki, un petit tour au Pole Nord vous ferait le plus grand bien
Haussant les épaules, folle de rage, Madame Wiki poursuit son chemin, tandis que Arthur sourit trouvant, décidément, Madame Wiki bien sotte !
Myriam
Mariage aux Antipodes 2
Sur la terrasse de Bert et Pam, les parents d’Anton, le futur marié, leur maison est située non loin d’Auckland, à la limite du Parc National. Les invités commencent à arriver, Pam les accueille et sert les rafraîchissements. Les copains du marié font griller des montagnes de viande au barbecue.Les trois s ?urs sont déjà arrivées. Un personnage inattendu arrive : la belle soixantaine, panama,costume de lin crème qui contraste avec son visage couleur brique.
Ladislas
Où est ma fille ?
Jeanne Stupéfaite
Ladis !je croyais qu’il ne devait pas venir, il ne supporte pas l’avion !
Andrée
Apparemment, il s’est décidé au dernier moment
Annie
ça promet ! on va avoir du spectacle !
Annabelle
Papa ! mon papounet ! je suis si contente !
Ladislas
Ma chérie ! ma poupée ! dans mes bras !
Annabelle, se dégageant gentiment
Viens, que je te présente ! tu connais déjà Anton, voici Pam, sa mère !
Pam
Oh nice to meet you ! oh wonderful you to be there ! dear father of our sweet Annabelle
Ladislas, lui faisant le baise-main
Nice et fort Nièce !
Annabelle
Euh ! mon père ne parle pas très bien anglais. Papa ! Voici Bert le père d’Anton
Ladislas
C’est vous le pasteur ? La religion c’est l’opium du peuple !
Bert Opium ?!? no Alcohol, no drug at home !
Ladislas
J’ai toujours refusé de la faire baptiser, vous comptez la marier à l’église ?
Annabelle
Papa ! on ne parle pas de ça ! viens que je te présente les oncles d’Anton : Voici l’oncle Mac Milan, la branche paternelle est venue d’Ecosse
Ladislas
Mac Intoch ?
Mac Milan qui porte un kilt , bien sûr
Oh ! no ! there is no web here ! it’s the bush !
Annabelle
Il a beaucoup d’humour, je crois que vous allez vous entendre ! et voici L’oncle O’ Connor la branche maternelle vient d’Irlande,
Ladislas, échangeant une vigoureuse poignée de main
O’Connor ? mon cher c’est un honnor !
O’Connor
pour moi également
Ladislas
Vous parlez français ?
O’Connor
un petit
Ladislas, faisant le geste de vider un verre,
Et si on s’en jetait un petit derrière la cravate ? non ?
Cravate ?
O’Connor sortant une flasque de sa veste et la faisant circuler à la ronde :
Whiskey tourbé Aberlous A’Bunnadh !
Ladislas
goût puissant ! excellent !
Mac Milan sortant une bouteille de sa malette
The best whiskies are scottish ! Try this : a Glendronach, 18 years from Aberdeen,
Ladislas
Pas mal ! mais il faut que je goûte à nouveau l’Irlandais
O’Connor
Goutez donc ce Tullamore spécial réserve
Ladislas
Excellent ! mon cher Connor !
Ladislas tirant de son sac de voyage une bouteille sans étiquette
Ce marc a été distillé par mon grand-père
O’Conor buvant une belle rasade
Oh ! Oh ! Oh !
Mac Milan
Amazing...
Ladislas un peu éméché
Vous aussi vous êtes curé ?
Mac Milan
Curé ?
O’Connor
A priest.
Mac Milan
Oh no ! my brother only is a clergyman
Oh no ! my brother only is a clergyman
Ladislas
C’est quoi cette secte Miracle of Life ?
O’Connor
Mon beau-frère a fondé cette église il y a 15 ans déjà .
Mac Milan
You know, God spoke to him and....
Ladislas d’une voix de stentor
Annabelle ! je te ramène en France !
Ladislas à Bert
Sachez que ma fille n’ a pas fait sa communion, je n’ai jamais laissé les curetons mettre leurs sales pattes dessus !
Annabelle en larmes
papa !
O’Connor
Please Ladislas !
Mac Milan
That frenchies !
O’ Connor, entrainant Ladislas
Venez , j’en ai d’autres dans ma valise !
Mariage aux Antipodes Epilogue
Ladislas, le père de la mariée et les deux oncles Mac Milan et O’Connor s’éloignent d’une démarche quelque peu incertaine vers le bush en chantant des chansons qui célèbrent plus les ébats amoureux que la pureté de la mariée,,,
Ladislas : .
Sont les fill’s de La Rochelle
Qu’ ont armé un bâtiment
Ell’s ont la cuisse légère
Et la fesse à l’avenant ...
O’Connor :
Go on, old fellow !
Mac Milan :
I’am far too young for marry
Enjoy boys ! enjoy !
Pour couvrir ces paroles peu appropriées à un mariage évangélique, la chorale de Miracle of Life entonne un gospel très enlevé :
Chorale :
Halleluiah ! Halléluiah !
Jesus is keeping me alive
I love to praise his name
Glory ! Glory ! Halleluiah
Pamela : Oh ! Lovely ! Lovely !
Bert : Qu’on apporte les alliances, je vais les bénir.
Le Chant couvre aussi le bruit d’un moteur, c’est le van des fiancés tractant le bateau d’Andrew, qui s’éclipse discrètement, les amoureux vont s’offrir une lune de miel dans la Baie des Iles, bien loin des querelles familiales.
Annie : Vous aimez ça , vous les gospels ?
Andrée : Cela élève l’âme !
Annie : Et si on louait un van pour faire un tour sur cette île des antipodes ?
Jeanne : Depuis 68, j’ai toujours rêvé de vacances en camping-car aux peintures psychédéliques. Andrée : tu crois qu’on pourra trouver de l’herbe ?
Annie : il n’y a que cela dans l’île du sud.
Harriet : Do you mind....Accepteriez-vous que je vous accompagne, c’est un peu ennuyeux ici, isn’t it ?
Annie : yes, it is ! Allez, on met les voiles !
Marie France
Une conversation aimable qui dégénère.
La salle d’attente d’un médecin. C’est la fin de la matinée de consultation. Quatre personnes attendent, dont une petites fille de trois ou quatre ans qui joue à empiler des cubes. L’ambiance est troublée par le babillage enfantin et le bruit des cubes qui dégringolent.
Edwige, la trentaine, élégante, son ordinateur sur les genoux, dénote un peu à côté de cette mère en moonboots et d’un monsieur de forte corpulence qui tousse, renifle et soupire à intervalles réguliers en regardant sa montre.
La fillette vient de réussir une belle pyramide.
Maman, Maman, regarde, j’y suis arrivée !
Bravo Lilou !
A cet instant, Edwige décroise ses longues jambes et de la pointe de sa botte de cuir, heurte le sommet de la pyramide qui s’écroule.
T’es méchante, méchante !
La gamine se réfugie dans le giron maternel en pleurnichant.
Voyons, Lilou, calme toi, la dame ne l’a pas fait exprès.
Edwige se penchant vers elles :
Excusez-moi, je suis vraiment désolée, mais j’étais tellement concentrée sur mon travail, que je n’ai pas vu cette belle construction.
La mère
Je vous en prie, ce n’est pas bien grave.
Edwige
Vous le connaissez ce docteur ?
La mère
C’est une doctoresse, Mademoiselle, tout le monde connait ici la doctoresse Marguerite.
Edwige
Oh ! C’est très kitch, ce cabinet, ça me change de Lyon.
La mère
Lyon ! C’est pas la porte à côté ! Ei puis avec cette neige, vous avez dû en baver. Venir à saint Martin du Fresne aujourd’hui, c’est un peu comme aller chez les Inuits.
Edwige
Certes Madame, ma zénitude légendaire en a pris un coup. je crois que je peux abandonner l’idée de voir d’autres médecins ce matin.
La mère
Mais ça va être bientôt votre tour. Vous étiez avant moi et Monsieur.
Un court silence, puis la mère poursuit :
D’ailleurs, je n’ai toujours pas compris pourquoi les visiteurs médicaux n’avaient pas un horaire différent. Le soir par exemple, après dix-neuf heures.
Edwige, aussi sec
Vous pensez que je devrais travailler la nuit ?
La mère
Ben...Les malades devraient être prioritaires, non ?
Edwige
Et vous seriez soignés comment et avec quoi ?
Ce sont des personnes comme moi qui vous donnent accès aux dernières découvertes en matière de médicaments. S’il fallait compter sur quelque sérenpidité, vous iriez encore voir le rebouteux vous devriez vous contenter de formules magiques ou de tisanes.
La mère toute énervée
Hé ! mademoiselle ! Ce n’est pas parce que j’ai des grosses bottes que vous m’impressionnez avec vos mots savants, votre ordinateur et vos talons hauts.
Là, le troisième patient, très mal à l’aise, se gratte bruyamment la gorge.
La mère se tourne vers lui :
Non mais c’est vrai ! pour qui elle se prend celle-là ? Monsieur, vous ne pensez pas que les malades en ont assez de voir des filles habillées comme des princesses, leur passer devant et leur donner des leçons.
Le pauvre homme baisse la tête et fait mine d’être très absorbé par sa lecture.
La mère, excédée par ce manque de soutien, se lève d’un coup, prend sa fille par la main.
Allez viens Lilou, c’est que j’ai encore le diner à préparer, moi. On prendra un rendez-vous par téléphone.
Et ignorant ostensiblement la visiteuse médicale :
Au revoir Monsieur.
Elles sortent. La porte claque.
Edwige referme son ordinateur en pensant à la collègue qui lui avait vanté les médecins de de campagne.