Loom

Chorégraphie : Yuval Pick
Musiqu e : Drones & Piano de Nico Muhly
Interprètes : Anna Massoni et Madoka Kobayashi - CCNR Yuval Pick, Marion Jacquard (piano)
Lumière : Nicolas Boudier

Sans introduction et sans préparation nous entrons dans le champ de Loom. Deux danseuses dans une arène qui se rapprochent, s’éloignent, s’attirent et se rejettent. Deux forces qui forment, reforment et déforment l’espace entre elles, avant de devenir une seule et même substance.Les deux excellentes danseuses de la compagnie de Yuval Pick, Anna Massoni et Madoka Kobayashi, nous emmènent ailleurs. Nous rentrons avec elles dans une rivière ou un feu, un élément qui ne cesse de se développer et se changer en métamorphosant l’espace et le temps.

Vocabulaire loominaire..
La source de loom est la respiration. Le mouvement respiratoire - mouvement de l’air dans le corps, le mouvement de l’air dans chacune des cellules, le mouvement de la colonne vertébrale. L’aspiration ouvre la cage thoracique et l’espace horizontal et vertical. L’expiration crée un mouvement de flexion, de chute, de réduction. Les mouvements de la respiration forment les mots qui composent le langage de la pièce.
Sans narration, sans personnages, sans métaphores théâtrales ou autres, Yuval Pick retrace l’origine du mouvement. Il choisit d’explorer le mouvement qui existe même lorsque le corps ne bouge pas, le mouvement de vie. Il le laisse grandir, rétrécir, changer, dialoguer avec l’espace temps, avec d’autres corps et la musique. Il évite toute tentation de raconter une histoire, et permet au mouvement de se développer par lui-même. Les mouvements, les corps, le silence et la musique évoquent une grande palette de sentiments et d’émotions, d’images et de métaphores.

Photo Romain Etienne

Minimalisme innovant
La recherche d’une richesse dans la condensation conduit Yuval Pick vers un nouveau genre de minimalisme.
On peut caractériser plusieurs façons d’utiliser le minimalisme et les mouvements répétitifs. Anne Teresa De Keersmaeker par exemple s’appuie sur des décisions mathématiques et structurelles. Son minimalisme met l’accent sur la séparation entre les mouvements et entre les membres du corps. La répétition souligne cette aliénation. L’absence de lien organique entre les mouvements crée l’esthétique et l’expérience intellectuelle de ses œuvres. L’utilisation de répétitions caractérise aussi les œuvres de Pina Bausch. Le rôle du mouvement répétitif chez Bausch est de transformer le mouvement ordinaire en métaphore de la condition humaine en le déconnectant du son fonctionnement habituel. Un mouvement répétitif peut également être utilisé comme un moyen d’atteindre un état de transe.

Yuval Pick crée un autre minimalisme qui touche à ces trois aspects simultanément : Une seule séquence de composition qui dure vingt-deux minutes avec une structure chorégraphique rigoureuse ; en émergeant du centre du corps le mouvement donne naissance à un effet émotionnel ; l’accumulation de l’énergie rapproche à une forme de transe quand les deux danseuses deviennent deux entités, deux essences. La répétitivité n’est ni théâtrale, ni structurelle, musicale ou spirituelle mais elle l’est tout cela en même temps.

Partition pour corps, mouvement, son et silence

Loom est un dialogue entre deux artistes et deux arts - la musique de Nico Muhly et la chorégraphie de Yuval Pick. La musique de Nico Muhly n’accompagne pas la chorégraphie, elle danse avec elle. La musique marque l’espace en différentes couleurs entre les deux danseuses, et quand elle disparaît sa présence continue dans les corps. Le choix de jouer la partition avec juste un piano (et effacer les autres couches de l’œuvre originale ) renforce le dialogue entre la musique et la danse en créant un trio entre deux danseuses et une pianiste. Le mouvement de la respiration crée le rythme, lancinant - la musique du corps, et permet à la musique de Muhly de devenir le troisième interprète. C’est une chorégraphie pour corps, mouvement, son et silence.

Loom est une expérience intime. Les deux danseuses apparaissent comme deux entités ou deux essences qui existent en chacun de nous. Deux vecteurs, qui nous tirent dans des directions différentes en essayant de trouver un équilibre délicat .
Comme dans un volcan - le mouvement intérieur ne cesse jamais jusqu’à cet instant où tout éclate, où l’équilibre est perturbé puis finalement calmé. loom nous renvoie à notre propre mouvement volcanique interne.

Un extrait de répétition et un interview avec Yuval Pick : http://vimeo.com/84853089
28 janvier - 1 février 2014 aux Subsistances dans le cadre du festival Aire de jeu
http://www.les-subs.com/evenement/aire-de-jeu-2014/