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Le printemps des poètes.
jeudi 21 avril 2016 par
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Comme chaque année en avril, nous écrivons des poèmes pendant le printemps des poètes. Pour continuer nos séances voyages, il fallait évoquer une ville en poésie. Les métaphores devaient être significatives pour qu’on reconnût de quelle ville il s’agissait.
Jacqueline
Boukhara
Au cœur de la route de la soie
Après une longue traversée du désert
Tu apparais enfin
Derrière tes épaisses murailles
Et c’est un enchantement
Pour le touriste fatigué comme autrefois le caravanier
Mausolées, médersas, minarets, coupoles aux dômes bleu turquoise
Je me perds dans tes ruelles et voudrais retrouver le temps
Où les chameaux dédaigneux venaient se désaltérer dans ton bassin
Où de l’aube au couchant la vie grouillait dans tes bazars …
Ânes lourdement chargés
Marchands enturbannés et discrètes poignées de main
Etincelles pleuvant des ateliers de ferronnerie
Thé, épices, débordant d’échoppes faiblement éclairées
Soies et laines, velours et cotons, calottes brodées au fil d’or
Oui, tu mérites bien ton nom, Boukhara, « lieu fortuné » !
Marie France
L’atelier Slamani
A l’atelier Slamani
Certains jeudis
Point de gros outils
Un bonheur du jour
Des petits fours
On se dit bonjour
La grande prêtresse
Se bouge les fesses
Et bientôt nous laisse
Un pot de crayons
Pour que nous soyons
De vrais écrivaillons
Puis on se dit nos mots
Et aussi nos maux
On r’part à vélo
L’atelier Slamani
C’est certains jeudis
Comme je vous l’ai dit.
La montée des soldats
Ils ont dû en baver, les soldats, dans cette montée, avec tout leur barda.
Il y a du goudron, du bitume et du goudron mais les tulipes s’en fichent, toutes raides et droites, elles règnent sur les alysses et les myosotis.
Le bus a sa tranchée, pour ne pas écrabouiller les soldats. Quand il est passé, une barrière se referme derrière lui, c’est une voie privée. Privée d’oxygène, surtout aux heures de pointe.
Au sommet de la montée, le rond point. Le rond point permet tout : s’arrêter, observer, hésiter, laisser passer, se faufiler. Un tour pour rien, quand on ne sait pas où aller, avec même la possibilité de faire demi-tour. Certains soldats ont bien dû en profiter pour déserter !
Après la montée, c’est le carré. Monte et sue, Montessuy.
Place Gutenberg… La grande prêtresse Slamani apprécie le voisin, elle qui collectionne les écrits.
Des carrés d’immeubles et de jardins et des allées.
Une place pour me garer.
Je suis arrivée à l’atelier.
Le départ
Col du Berthiand
Altitude 780m
A gauche, on grimpe encore
Puis la combe.
Mens, Chapiat,Ecuvillon
Challes et Poncin
Ca ne vous dit rien ?
Et Pont d’Ain ?
Toujours rien ?
Le péage
Vitesse 130
Encore 6points
C’est peu
Mais ce n’est pas rien.
Beynost
110
Le trafic est fluide
Je suis en retard.
Elisa
Le printemps des poètes 2016
Ville-rebus
La Seine s’y jette.
Du port, on se rendait à New York
Du temps des grands paquebots.
Le Musée Malraux
Le Muma prétentieux
Abrite des Eugène Boudin
Et des impressionnistes.
Coucher de soleil sur la mer.
Sur ma ville rasée, meurtrie,
Au bout de la terre, Au bout de la mer
Nuages et vents gonflent les
Vagues.
Il pleut, il pleure
Comme dans mon enfance.
Elle, ma ville, ma rue,
Ses jardins aux vives couleurs,
De la petite pensée timide
A la pivoine épanouie.
Pas de boutiques,
Que des portes en fer forgé
D’où s’échappent des bignones
Ainsi que des bougainvillées.
Pas de remue-ménage
A part celui des oiseaux
Lorsqu’ils ne sont pas en cage
Ils volètent près du ruisseau.
Des mots qui chantent
Et qui enchantent
Comme la rivière
Lon lon là lon laire
Des mots qui sonnent.
Des mots qui tonnent
Quand on est en colère.
Des mots d’hier
Des mots d’aujourd’hui
Le chant de la pluie,
La croisée des fers
Mots d’ailleurs, mots d’ici,
Des mots que l’on pense,
Des mots que l’on dit.
Des noms pour la danse,
Le sel de la vie.
Marie Noelle
Sidi Bel Abbès en 1970
Les fantômes des légionnaires défilent sur un semblant de champ de Mars
Vaste esplanade aux maigres massifs géométriques
Que traversent des femmes, enveloppées de draps blancs,
Leur œil de cyclope
Magasins de première nécessité, aux rayons clairsemés
Ferblantier, quincailler, droguiste
Marché « nègre », drôle de nom,
Survivance de l’esprit colonialiste
Guirlandes de cafetière émaillées au motif à fleurs
Pyramides de seaux en plastique multicolores
Etals misérables à même le sol
Marché aux bestiaux
Des moutons à vendre attachés ensemble par le cou
Tels des chapelets
Le maquignon en burnous sombre à l’odeur forte
Sa canne rustique ponctue le marchandage
Echange de regards roublards,
Comme les paysans normands de Maupassant
Librairie épargnée par les « événements »
Deux survivantes, modestes héroïnes,
Adoubées, protégées par le FLN
Symboles d’une culture sans nation,
Françaises dans un pays qui n’est plus le leur
Elles trouvent leur place, elles suivent ce nouveau mouvement,
Le peuplent des rares livres des imprimeries balbutiantes
Et le barbier rase dans la rue
Le marchand de sardines tire sa charrette
Les ménagères rient et s’interpellent dans les cours intérieures
L’odeur des poivrons grillés sur les kanouns
On grignote des pistaches
Marilène
Poésie : la rue
Yeux ouverts, fenêtres fermées.
Persiennes mis closes.
Au lit, paresseusement.
Quelle heure est-il ?
Écoute.
Le carillon se tait.
La rue se tait.
Profonde au creux de ses vieux murs,
silencieuse comme un canal.
La rue étroite, ni voitures,ni trottoirs.
La rue qui monte jusqu’à la flèche de l’église.
Grise.
La rue qui descend follement traversant la place du village.
Passage.
Rencontre.
L’école.La place.
Boulangerie, boucherie,
épicerie, magasin de chaussures,
"les galeries farfouillettes ", la poste,
la banque, la quincaillerie.
Façades serrées, boucliers tendus vers le centre vide du village.
La place, blanche, plate telle un lac, qui attend.
La rue venant de loin, traversant le temps, maisons rugueuses, fenêtres à meneaux.
La rue, parcourue par les chiens qui rasent les murs sales,
traversée par des chats surpris derrière un cri, une porte qui claque.
Sous des porches voûtés, des femmes vieillies, furtives silhouettes égarées.
Escaliers de pierres au creux des cours entrevues.
Parfums de lilas, de roses et de muguet.
Trouées pastel.
Le jour, les cours intérieures,
petits îlots de paix ouverts sur le ciel,
diffusent leur tiédeur.
La nuit, les hautes fenêtres offrent à la rue leurs lumières tamisées.
Au petit matin, rien ne bouge, silence gris perle.
Le jour se lève lentement,
les premières voitures font vibrer les fenêtres.
Subitement
quelques enfants qui arriveront en avance à l’école,
colorent la rue.
De loin viennent les voix aiguës d’écoliers en grappes qui s’interpellent
et annoncent bruyamment l’heure de l’école.
Quelques autres, pressés, claquent le pavé en galopades frénétiques juste avant que ne résonne, aux oreilles de tous, le son de la cloche,
à l’instant même où ils traversent, telles des furies,
la place ouverte aux quatre vents.
Car ici soufflent les quatre vents.
Le vent froid qui vient des collines lointaines, toujours bleues et pourtant vertes du Morvan.
Ç’est bientôt l’hiver. Mettre une écharpe et un bonnet.
Le vent tiède qui vient des grands prés pâturés par les vaches et leurs veaux en balades.
C’est l’annonce du printemps. Garder une petite laine tout de même.
Le vent léger, qui vient du creux de l’Ouche se tortillant vers Dijon des ducs Bourguignons
C’est enfin l’été. La chemisette à carreaux et la jupette fleurie sont de mise.
Le vent humide qui vient des plateaux calcaires et des Côtes de Beaune.
Ça sent l’automne et le mou de raisin. Remettre la petite laine et le coupe vent.
Au pays des quatre vents.
Fermer les yeux.
Écouter.
Sentir.