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L'art de perdre. Alice Zeniter. L’art de perdre. Alice Zeniter.

vendredi 5 janvier 2018 par Elisabeth

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J’ai toujours pensé que les harkis et les collabos de la seconde guerre mondiale, c’étaient bonnets blancs et blancs bonnets. Cependant, je me suis toujours offusquée du traitement qu’ont subi les harkis venus en France. Ils ont été parqués, maltraités alors qu’ils avaient opté pour l’Algérie française et pour cette raison, la France devait bien les recevoir. Ensuite, je me suis révoltée contre le sort des enfants de harkis parce que je pense que les enfants ne doivent pas payer pour les choix de leurs parents. Or, les portes se sont fermées pour eux des deux côtés de la Méditerranée. Les enfants d’immigrés, considérés eux aussi comme des étrangers dans l’un et l’autre pays, avaient la chance de pouvoir retourner tous les étés dans leur Algérie natale, ce qui ne créait pas de rupture avec leurs racines. Je ne dis pas que c’était facile pour eux mais ils disposaient de références concrètes. Les enfants de harkis ne pouvaient pas retourner en Algérie, ils auraient été massacrés avec leurs parents. Souvent, j’imagine, comme dans le roman, les parents ne parlaient pas de l’Algérie. Par pudeur ? Par honte ? Par craintes de ne pas pouvoir répondre à des questions ? Difficile d’expliquer à ses enfants qu’on a perdu.
Le roman raconte l’histoire d’une famille kabyle. trois frères parviennent à être propriétaires de plusieurs terrains et obtenir ainsi une certaine notoriété dans le village, en rivalité avec une autre famille riche. L’ainé, Ali, a participé à la seconde guerre mondiale à Monte Casino. Il est analphabète.
Avant le premier novembre 1954, des bruits de révolte circulent, des noms aussi comme celui de Messali Hadj et surtout l’évocation douloureuse de Setif qui rend sceptiques certains dont Ali. Il est pour l’indépendance mais ne croit pas que le FLN puisse les y mener. De plus, il rejette leur violence et ne veut pas perdre ses terres qui font de lui un homme respectable et respecté. Pour le FLN, c’est un harki. Menacé, il quitte l’Algérie en se cachant.
En France, il est parqué comme tout le monde. Il obtient une HLM au bout de plusieurs années. Hamid, son fils aîné est un brillant élève.Il comprend rapidement qu’il peut tromper son père qui ne sait pas lire. Petit à petit, l’image du patriarche s’estompe. Il n’a plus de considération pour ce père taciturne qui ne veut pas expliquer pourquoi ils ont dû quitter l’Algérie. Yema, la mère regrette tout ce qu’elle a perdu sans avoir compris.
Le talent d’Alice Zeniter, c’est de raconter, sans haine et sans colère, l’Histoire de l’Algérie de 1830 à nos jours, à travers l’histoire de cette famille, avec une fine analyse psychologique des personnages.
Derrière les lignes, se dresse la France des années 60, à peine remise de la seconde guerre mondiale, critiquée de part et d’autre pour avoir fait durer huit ans une guerre
d’indépendance, pour avoir traité comme des animaux des humains qui avaient risqué leur vie pour elle, pour n’avoir pas su gérer la scolarité de ces enfants "apatrides" mais de nationalité française. Présents ou pas, les pères sont déchus, les enfants mènent leur barque comme ils peuvent. Ceux du roman s’en sortent mais ce n’est pas une généralité.
C’est un roman. Elle raconte. A nous lecteurs de méditer.

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L’art de perdre. Alice Zeniter.

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