Lettre à Nadjet Vallaud-Belkhacem. Lettre à Nadjet Vallaud-Belkhacem.

jeudi 30 avril 2015 par Elisabeth

Madame,
Je voulais vous écrire depuis un moment, c’est à dire quand vous avez suggéré le travail en équipe. Je souhaitais vous informer de ce que cela représentait concrètement.
Je pense que c’est la meilleure façon d’enseigner et j’ai toujours travaillé ainsi.
Professeur de lettres,discipline transversale, j’ai échangé et partagé mon enseignement avec toutes sortes de disciplines, pas forcément dans le domaine linguistico-historico-artistico-littéraire. Des collègues de mathématiques, de technologie, de sciences et vie de la terre ont été des partenaires.
Les élèves semblaient apprécier cette manière d’enseigner, ils y trouvaient du sens. Leur apprentissage n’était pas saucissonné, il formait un tout.
Je voulais vous dire que cela entraine un grand nombre d’heures de préparation et de concertations.
Si vous voulez rendre obligatoire ce qui se fait sur le volontariat, dans certains établissements, comme celui où j’ai terminé ma carrière, il faut bien réfléchir aux conséquences de cette mesure.
Comment la rendre attractive pour les collègues qui trouvent qu’on leur demande déjà beaucoup avec l’aspect social des relations avec les familles, l’orientation, les suivis....
Pour les collègues qui estiment que leur métier est d’enseigner leur discipline et c’est tout ?
En admettant que tout le monde veuille faire un effort pour le bien des élèves que ferez vous quand ils découvriront le nombre d’ heures supplémentaires et bénévoles que cette organisation des cours exige ?
Souvenez-vous que vous avez été obligée de mettre en place une réforme très controversée que vous n’aviez pas élaborée vous-même, et comme vous le savez, elle n’avait pas été suffisamment réfléchie, et au lieu de créer de l’égalité, elle a approfondi les injustices, déséquilibré les budgets des mairies de bonne volonté, perturbé la vie extra-scolaire des enfants.
Est-ce le moment d’en ajouter ? Je vous le répète, votre idée est excellente mais avant de rendre obligatoire les échanges, budgétez-les et prévoyez des compensations.
Sachez que les enseignants ne sont pas payés pendant les vacances puisqu’ils ont accepté de diviser par douze dix mois de salaire. C’était en 1882, cela n’a jamais été révisé.
Vous n’avez pas compris les risques et vous vous engagez dans une voie inacceptable avec la suppression du grec et du latin. Ce n’est pas votre culture mais c’est la nôtre.
Prendre une telle mesure est la révélation d’une absence de connaissances sur la formation de la langue française. Il vaudrait mieux trouver des moyens pour développer ces langues anciennes, dont l’apprentissage aide souvent les élèves en orthographe et en logique. Ce que vous proposez en échange est un véritable bric à brac où personne ne se retrouvera. J ’y vois en plus, un moyen de supprimer des postes. Les heures de latin vont être utilisées en français ce qui aboutira à une diminution de postes de lettres.
Il parait évident que les parents inscriront dans le privé leurs enfants pour qu’ils suivent l’enseignement du grec et du latin. Cela représente un quart des élèves, ce n’est pas négligeable. L’enseignement à deux vitesses sera maintenu.
Cependant, la deuxième langue vivante dès la cinquième est une initiative intéressante.
Je m’étais réjouie d’un gouvernement jeune avec de nouvelles têtes, donc des idées nouvelles, je n’avais pas pensé à l’amateurisme. Réformer pour réformer ou pour dire après on a réformé n’a pas d’intérêt, il faut réformer ce qui est réformable et ce n’est pas ce qui manque.
Comme nous sommes bien surveillés pour rester correcte parce que ce n’est pas le mot auquel je pense réellement, je suppose que tôt ou tard vous serez informée de ce courrier qui vous est adressé sous forme d’une lettre ouverte et j’espère que vous réfléchirez sur mes conseils afin d’éviter la colère des enseignants à la rentrée.



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