Carte postale-lettre pour Camille, Jean François et les autres. Carte postale-lettre pour Camille, Jean François et les autres.

lundi 30 novembre 2015 par Elisabeth

De toute évidence les gouvernements successifs depuis quarante ou cinquante ans doivent battre leur coulpe.
- Ceux qui ont fait construire ces barres de béton déshumanisées. Reconstruire vite parce que la guerre avait fait des dégâts, d’accord. Mais fallait il construire ces ghettos ?
- Ceux qui ont mis en place le collège pour tous en pensant que tous les élèves se ressemblent, viennent tous du même milieu...C’est la première inégalité de l’Education Nationale. Le collège pour tous, c’est bien, à condition que les moyens mis en place à l’école permettent de combler les inégalités sociales.
- Les principaux de collèges qui ont déterminé que les Arabes ne pouvaient pas aller en seconde générale quels que soient leurs résultats. Ils devaient obligatoirement intégrer un lycée professionnel même si les métiers proposés ne convenaient pas à l’élève et pire encore lorsque c’étaient des métiers en voie de disparition. Cela a créé un fossé entre l’enseignement et la réalité de l’entreprise et bien des jeunes ont pensé qu’on s’était moqué d’eux.
Les enseignants qui n’ont pas pensé que le français n’était pas la langue maternelle pour tous et qui ont fait comme si, en laissant au fond de la classe les élèves en difficultés alors qu’ils avaient tant besoin d’aide.
Les employeurs qui ne voulaient pas embaucher d’Arabes.
- Les paysans qui n’ont pas vu un Arabe de leur vie et qui en ont peur jusqu’à voter FN.
- Les haines nées de la guerre d’Algérie restées dans les non-dits, entrée trop tard dans les livres d’Histoire, enseignée par de jeunes professeurs qui n’ont pas connu la situation et qui enseigne ça comme Trafalgar ou Waterloo alors que les conséquences sont encore vivantes.
- Les bien-pensants ;
- Ceux que je viens de citer qui d’une certaine manière ont perpétué l’esprit du colonialisme.
Les gouvernants savaient que ces jeunes étaient en révolte. Quand on gouverne, on se pense au-dessus de cette poignée de jeunes en colère qui brule les voitures et les autobus. La prison leur mettra du plomb dans la tête. ça leur a mis la rage au corps.
Et puis il y a eu internet, twitter, Facebook ...Des échanges qu’ on n’a pas vu venir, des perspectives de ne plus être au bas de l’échelle. L’appartenance à un groupe. La possibilité de faire émerger la violence rentrée, tue. L’impression d’être un héros.
Je les connais, Camille, les raisons qui les ont cassés. Cela n’excusera jamais qu’on tue des jeunes de leur âge qui écoutent de la musique, qui dinent à une terrasse ou assistent à un match de foot.
Je suis contre la violence et surtout contre les attentats qui tuent des innocents. Je pourrais comprendre, à la rigueur, qu’on s’attaque à ceux que l’on juge responsables mais je le répète, je suis pour le dialogue, non pour la violence.
Jean François, tu parles de responsabilité collective. Que pouvons nous faire à notre niveau de citoyens ?
Pour ma part, je n’ai pas trop mauvaise conscience parce que j’ai fait ce que j’ai pu pour aider un maximum de jeunes et je pense en avoir sauvé quelques-uns. Cela ne m’empêche pas d’avoir honte du sort qu’on leur a réservé.



Imprimer