Scène de théâtre Scène de théâtre

dimanche 22 février 2015 par Elisabeth

Scène de théâtre : deux personnes dans un compartiment. Elles se rendent à un mariage et ne connaissent que la moitié de la famille. Arrive une troisième personne (qui appartient à l’autre branche !).

Sabine

DANS LE TRAIN…
3 personnages : deux amies, CAROLE et MARION se rendent au mariage de leur amie
Un homme SEBASTIEN
CAROLE
Attends, passe- moi ta valise. Je vais la hisser dans le filet à côté de mon carton à chapeaux.
MARION
Le train va partir, je veux bien me mettre à côté de la fenêtre. Assieds- toi en face de moi !
CAROLE
… Quand je pense que cette vieille puce se marie ! Je n’y croyais plus !
MARION
J’ai trop hâte de voir la tête du futur époux… (d’un ton ridicule) »le petit garçon à sa maman »…
CAROLE
Je ne sais pas comment elle va faire, elle, si fragile ! En tout cas, moi, avec un homme comme ça….
(d’un ton rêveur) Moi, je rêve d’une épaule solide sur laquelle je puisse m’appuyer.
MARION
Elle se met dans une galère pas possible. Il paraît qu’en plus, il bégaie et rougit à tout bout de champ
CAROLE
Tu exagères, c’est ce qu’elle nous dit, je n’en crois pas un mot !
MARION
Ma mère m’a dit que c’était un très beau parti. Il a hérité de son père, gros industriel lorrain.
CAROLE
(d’un ton indigné)Mon Dieu, quelle horreur ! Pas besoin de travailler ? aux crochets du vieux papa ?
MARION
Enfin, c’est leur choix. (minaudant) : nous, avec nos chapeaux et nos robes longues achetés au Bon Marché, nous ferons sensation !
CAROLE (les joues rouges)
Quelle chaleur dans ce train… ( s’adressant à l’homme assis en face d’elle) Monsieur, ça vous dérange si j’ouvre la fenêtre ? Ah, merci ! l’air est si frais. Aïe ! une escarbille ! mon œil ! Ouh…(d’un ton dépité) Ben, tiens, je vais être belle à la noce avec cet œil explosé !
SEBASTIEN
Mademoiselle, vous permettez ? Laissez- moi regarder votre œil… Vous avez de si jolis yeux… ce serait dommage. (se penchant avec délicatesse, il essaie de lui retirer l’escarbille de son œil)
Ah ! avec la pointe de mon mouchoir, ouvrez bien l’œil, ah…ça y est, je l’ai eu, bien eu
CAROLE
Merci… Monsieur, vos mains sont si douces, votre sourire…
SEBASTIEN (ému)
J’aime les femmes comme vous…
CAROLE
Mais Monsieur
SEBASTIEN
Oui, ce sont des femmes comme vous que les hommes aimeraient épouser…
CAROLE (minaudant)
… Mais, monsieur… et vous… nous aimerions tellement toutes vous épouser…
SEBASTIEN (s’étranglant)
Mademoiselle, j’aimerais vous demander votre main, mais il faut que je vous avoue, demain, je me marie…avec une femme, Emma, qui, oui, je le sens ne fera pas l’affaire…
MARION (très surprise)
Cette situation est vraiment ridicule. Carole, enfin, reprends tes esprits, voyons !

Le train s’arrête, Sébastien descend, suivi des deux voyageuses. Sur le quai : Emma. Marion, Carole et Sébastien crient d’une seule voix « EMMA !. »...

Jacqueline

On entend le sifflement d’un train qui entre en gare. Un couple de paysans se précipite pour monter, bousculant au passage une vieille demoiselle.
Le père, sur un ton brusque : Raymonde, passe-moi donc la valise !
La mère, essayant de soulever la valise : Oh là là, qu’est ce qu’elle est lourde !
Le père, s’emparant de la valise : Ah là là, ces bonnes femmes, je vous jure. Si on n’était pas là…
Pendant qu’il met la valise sur le porte-bagages, la vieille demoiselle s’est installée dans le compartiment, côté couloir.
Le train démarre. Les voyageurs regardent pendant quelques instants le paysage défiler.
La mère, un peu émue, comme si elle se faisait la remarque à elle-même : Quand je pense que notre petite Marie nous quitte. J’espère qu’elle a tiré le bon numéro !
Le père, toujours renfrogné : Rien n’est moins sûr ! Un fils de notaire …un incapable, quoi et qui fait des manières en plus.
La vieille demoiselle les regarde soudainement avec attention.
Si tu ne l’avais pas tant poussée à « monter en ville » pour faire des études, on n’en serait pas là !!
La mère, outrée : Ca alors, c’est un peu fort. Tu aurais peut -être voulu qu’elle reste à la ferme ? Je te reconnais bien là. Moi, j’ai voulu que notre fille soit mieux que nous. Et je suis fière qu’elle soit devenue institutrice.
Le père : Si c’est pour partir avec un fils à Papa, j’aurais préféré qu’elle reste chez nous.
La mère : Robert, tu es un monstre d’égoïsme. D’ailleurs, tu sais bien pourquoi elle l’épouse. Ce qui est fait est fait. Estime-toi heureux que sa famille ait accepté le mariage.
La demoiselle a un sursaut qu’elle contient à grand peine
Le père, sortant le pique-nique du panier : C’est vrai. Ca nous ôte une sacrée épine du pied. Allez, Raymonde. On trinque à la santé des mariés !
Il ouvre la bouteille et goûte le vin avant d’en verser dans les verres
La mère : Au moins, Robert, ne t’essuie pas la bouche avec les manches de ta chemise… tu vas salir ton beau costume !

Le père se tournant vers la demoiselle
Et ma petite dame, je vous offre un verre ?
Ma foi, ce n’est pas de refus, après ce que je viens d’entendre...
Et puis ça va nous permettre de faire connaissance, parce que vous savez, moi aussi je suis de la noce !
Vous avez l’air content que le notaire ait accepté votre fille, même si elle a fêté Pâques avant Carême.
Et bien je peux vous dire que le notaire, n’est pas mécontent non plus : avec la dot, il va peut-être pouvoir renflouer son étude ! Pour lui, c’était ça ou bien être radié, alors…
Allons, trinquons à la santé de mon petit neveu et de votre fille.

Marie Noelle

dans le compartiment d’un train, dans les années 1970.
Personnages :
Solange, la mère de la mariée.
Yvonne, sa sœur.
Un troisième voyageur.
Acte Premier
Scène première. SOLANGE, YVONNE
Les deux femmes installent leurs valises et s’assoient côté fenêtre
SOLANGE
Quelle idée d’aller se marier à Juan les Pins ! Je reconnais bien là les goûts de grandeur de ces nouveaux parvenus ! Mais ma gentille Isabelle, éblouie par tout ce faste, a été assez bête pour trouver cette idée formidable !
YVONNE
Je suis bien d’accord avec toi ! On aurait pu organiser un mariage plus simple autour de Saint Germain les Fossés. Mais non ! La famille de Philippe, ton futur gendre, veut épater la galerie ! Et puis, ils auraient pu demander à nous rencontrer ! On ne doit pas être assez bien pour eux !!

Scène II. SOLANGE, YVONNE, LE VOYAGEUR
Entre un nouveau voyageur qui salue les deux femmes et s’assoit côté couloir. Il ouvre son journal.
SOLANGE, en baissant la voix.
Oui, je disais. Tu sais, tout le monde me dit qu’ils jettent l’argent par les fenêtres. Il paraît qu’ils ont, en plus de leur grand appartement, une maison de campagne à Tréglounou.
Au nom de Tréglounou, le voisin tend l’oreille et suit discrètement la conversation.
YVONNE
Et ! Oui, j’ai entendu dire que c’était le grand jeu tous les week-ends : barbecues géants, champagne, gâteaux des meilleurs pâtissiers !
SOLANGE, en parlant de plus en plus fort.
Et on invite les notaires, les chirurgiens, tout le gratin de la région !
Le voisin s’agite, se lève, semble très contrarié.
YVONNE
Bon, c’est vrai ! Mais, à leur décharge, il faut reconnaître qu’ils sont très généreux ! Ils prennent à leur charge presque tous les frais du mariage. Et ce Philippe, il est si sympathique, bien élevé, serviable, et beau garçon en plus ! Tu as de la chance malgré tout. C’est un peu le gendre parfait !
Le voisin sourit, attendri.
SOLANGE
Oh ! Oui, Isabelle en est dingue. Et puis, il n’est pas contrariant, toujours d’accord avec elle. C’est vrai qu’avec son tempérament, il lui faut un gentil garçon comme lui.
Le voisin est calmé.
YVONNE
Celui que je crains le plus, c’est le père de Philippe : on m’a dit qu’il se prend pour un marquis, joue les seigneurs, alors qu’il vient, paraît-il, d’une famille plus que modeste.
Le voisin manque de s’étouffer. Il tousse, se lève, se rassoit, froisse son journal.
SOLANGE
On m’a raconté aussi qu’il pratiquait le golf, la chasse à courre !
YVONNE
En fait, tu sais, j’ai bien peur qu’ils ne soient criblés de dettes !
Le voisin allume ostensiblement un cigare et en tire de longues bouffées, sans se gêner.
SOLANGE, indignée
Monsieur, s’il vous plaît, cette fumée nous dérange. Pourriez-vous ne pas fumer par simple correction.
LE VOYAGEUR, l’air pincé
Mesdames, je fumerai si ça me chante car nous sommes dans un compartiment « fumeurs ». Permettez-moi de me présenter : André Dumont, père de Philippe Dumont. Je suis en effet le futur beau père de votre Isabelle, au tempérament bien trempé, comme vous venez de le dire ! Enchanté de faire ce voyage en votre compagnie.

Elisabeth

Deux amies s’installent dans un compartiment. Elles se rendent au mariage d’une amie commune. Elles ne connaissent ni le marié ni sa famille, mais il paraît que…

Amandine
Je suis bien contente de voyager avec toi, nous allons pouvoir discuter un peu.
Anaïs
Tu veux dire nous allons pouvoir médire un peu, même beaucoup. Qu’est-ce qui lui a pris de se marier avec ce type-là ? Elle t’en avait parlé ?
Amandine
Non. C’est ça qui est inquiétant. Nous recevons le faire-part et l’invitation et elle ne nous dit rien auparavant. Elle ne nous parle même pas de lui. J’en étais restée à Cédric.
Anaïs
Tu dates. Après il y a eu Martin, Ambroise qui venait de je ne sais plus quelle île, Arthur et enfin le fameux Dorian qu’elle épouse. Qu’a t-il de plus que les autres pour avoir décroché le gros lot ?
Amandine
Le gros lot ! Je ne sais pas. Les gros seins surtout ! D’accord ! Elle n’est pas mal mais elle a une grosse poitrine. De plus, je n’aimerais pas avoir ses parents pour beaux-parents.
Anaïs
On n’épouse pas forcément la famille. D’après ce que j’ai entendu dire sa belle-famille est pire. On va à la messe, on prie tous les saints ; Antoine quand on a perdu quelque chose, Christophe quand on part en voyage et Marie pour que le petit réussisse ses examens. On met des cierges. Mais la charité, ils ne connaissent pas. Les pauvres sont des paresseux, les émigrés des voleurs etc… etc … Le père a une grosse boîte et il est odieux avec le personnel. Et lui, le Dorian, il dit amen à tout ce que dit son père. Il a fait droit parce que papa voulait. Tu comprends pourquoi elle n’est pas fière.
Amandine
Comment sais tu tout ça ?
Anaïs
Par Arthur. Je les avais rencontrés plusieurs fois quand ils étaient ensemble et quand elle a rompu pour ce fils à papa sans personnalité, ça lui a fait mal au coeur alors il m’a appelée et m’a raconté tout ça.
Amandine
C’est un mariage d’intérêt ?
Anaïs
On peut dire un marché. Dorian, c’est le fils de l’associé de son père.
Amandine
Elle a accepté ! ça ne lui ressemble pas. C’était quoi la contrepartie ?

(Un jeune homme très élégant que les deux jeunes femmes n’ont pas remarqué lorsqu’il s’est installé dans le compartiment)
C’est moi la contrepartie. Moi, le fils à Papa sans personnalité, moi qui épouse votre amie parce que nous nous connaissons depuis notre enfance, que nous partageons nos idéaux, que tout compte fait, nous nous aimons.

Mary

Gare de la Part Dieu. Un TGV au départ pour Marseille s’apprête à fermer les portes. Bruits de quais de gare. À l’intérieur d’une voiture de 1ère classe, des voyageurs cherchent leurs places alors que d’autres sont déjà installés.
Un couple, la cinquantaine. Lui tient à la main plusieurs titres de presse. Elle, très élégante, semble un peu énervée, elle tient au bras un grand sac cabas de marque de luxe.
Quand ils arrivent à leurs places, un jeune couple occupe leurs fauteuils. La trentaine, souriants. Ils sont bien installés, ordinateurs et revues déployés.
L’homme d’âge mûr : Veuillez nous excuser mais vous avez dû faire erreur. Nous avons réservé les deux places que vous occupez. Vous seriez bien aimables de nous les céder.
L’homme jeune : Nous sommes montés précipitamment à Paris et nous avons pris les premières places libres que nous avons trouvées. Mais, je vous en prie, les deux places en vis-à-vis sont libres, installez vous.
La femme d’âge mûr (énervée) : Non mais quel toupet ! Veuillez nous rendre nos places. De toute façon, je déteste être à contre courant de la marche du train. Si vous ne vous exécutez pas immédiatement, j’appelle le contrôleur. (Se tournant vers son mari) Jean, dis quelque chose.
Les deux jeunes voyageurs rangent leurs affaires et changent de places non sans faire beaucoup de gestes, montrant ainsi leur agacement.
La femme d’âge mûr (en aparté à son mari) : Quel sans-gêne, cette jeunesse ! Et toi, bien sûr, tu ne dis rien. Tu te fous de tout, comme d’habitude !
(L’homme d’âge mûr grommelle mais ne répond pas)
La femme d’âge mûr : Je prends la place près de la fenêtre, laisse-moi passer.
Une fois installés, les deux couples se font face. Ils s’évitent du regard. Le mari, Jean, plonge dans son journal. Sa femme, toujours courroucée, fouille dans son immense sac, en sort un i-phone et un carton d’invitation grand format, blanc, un faire part de mariage.
La femme d’âge mûr (lisant le faire-part) : 15:30 à Aix en Provence Nous devrions y être à l’heure s’il n’y a pas de problème sur la ligne. Avec la SNCF, on sait quand on part mais on ne sait jamais quand on arrive. (Reprenant la lecture du faire-part) Un taxi nous attend à l’arrivée. (Se parlant à elle-même mais à voix haute pour être bien entendue) Que de mystères autour de ce mariage ! Ces Dupontel, il faut toujours qu’ils se distinguent.
(S’adressant à son mari) Le mariage de leur fille, tu te rappelles, l’an dernier ? En plein hiver, à Meuh-gève. Quel mariage ! Les trottoirs tout enneigés pour arriver jusqu’à l’hôtel. Ils auraient tout de même pu prévoir de déneiger ou je ne sais pas moi, mettre des tapis. Je me suis gelée toute la soirée dans mes escarpins mouillés. Des Lauboutin. J’ai dû les jeter après cela.
Et maintenant, c’est au tour de marier leur fils, Amaury, dans un lieu tenu secret. Mais cette fois-ci, j’ai prévu deux paires de chaussures, ils ne m’auront pas deux fois.
Le mari grommelle, fait mine de suivre le monologue de sa femme. Il plonge à nouveau dans la lecture de son journal.
La jeune femme en face d’eux semble intriguée. Elle alerte son ami qui écoute d’une oreille distraite. Tout en continuant de feuilleter un magazine, elle demeure attentive à la conversation de leurs voisins de sièges.
La femme d’âge mûr (s’adressant à son mari) : Crois-tu que le lieu du mariage d’Amaury sera tenu secret pour tout le monde ? Aussi secret que l’affaire dans laquelle il a été mêlé il y a six mois et pour laquelle il a été inculpé.
Le mari : Il suffit, Victoire, il n’y a pas eu d’affaire ou plus exactement, le fils Dupontel a été lavé de tout soupçon. Il ferait beau voir que le parquet eut donné raison à un petit juge qui a voulu se faire une réputation de redresseur de torts et se porter comme un ardent défenseur de la morale publique.
La femme d’âge mûr : Dupontel a certainement dû faire jouer ses relations.
Le mari : Evidemment ! Bâtonnier au barreau de Lyon, non seulement çà ouvre des portes mais surtout çà coupe court à toute velléité d’un juge d’instruction à l’esprit étriqué. D’autant qu’il ne s’agissait que d’une banale affaire de mœurs. À l’heure du libertinage et de la pornographie à la demande, on peut admettre cet écart de conduite du fils Dupontel.
La femme d’âge mûr (outrée) : Tu appelles un écart de conduite les parties fines que ce jeune homme organisait pour ses copains carabins.
Le mari : Enfin, Victoire, des parties fines, certes, mais avec des prostituées, consentantes de surcroît. Je ne vois pas le délit.
La femme d’âge mûr : Consentantes et rémunérées, je te l’accorde. À entendre ce qui se dit sur la place de Lyon, les parties fines se terminaient la plupart du temps en orgies sadomasochistes. Sais-tu ce qu’on raconte : il paraît que c’est le petit Dupontel qui trouvaient les filles et qu’il empochait, au passage, une partie des …, des …, des prestations de ces demoiselles. Comment appelles-tu cela, Jean, comment, je te le demande ?
Le mari : Des services rendus entre amis. Des jeux de carabins.
La femme d’âge mûr (son ton monte) : Ah oui ! Des arrangements entre amis, c’est cela ! Des jeux de carabins ! Et bien moi, j’appelle cela du proxénétisme aggravé.
Le mari : Victoire ! Tu y vas un peu fort !
La femme d’âge mûr : Oui, du proxénétisme aggravé, je dis bien aggravé. Certaines des filles étaient mineures et pour la plupart sans papiers, des filles de l’Est à ce qu’on raconte et qu’il allait racoler, je ne sais où.
Le mari (péremptoire) : Il suffit, Victoire. Je te dis que l’affaire a été classée. Tais-toi. Tu déranges nos voisins que tes ragots n’intéressent nullement.
La jeune femme (à la femme d’âge mûr) : Je vous en prie, non, non, laissez, vote discussion nous intéresse beaucoup, (s’adressant à son ami à qui elle donne un coup de coude pour qu’il s’intéresse à la conversation). Si je puis me permettre Madame, je vous rejoins totalement quand vous dénoncez de tels actes qui offensent la morale mais également qui sont une atteinte aux droits fondamentaux des femmes de pouvoir disposer de leur propre corps.
(Les deux hommes se regardent, gênés, haussent les épaules et s’enfoncent dans leurs sièges)
La femme d’âge mûr : Tu vois, Jean, madame est d’accord avec moi. Il n’y a bien qu’un homme pour trouver la situation banale et innocente. Je vous remercie, Madame, de soutenir mon propos.
L’homme jeune (timidement, s’adressant à l’homme d’âge mûr) : un écart de jeunesse, qui n’en a pas commis, en son temps ?
La jeune femme (dont le ton monte crescendo) : Parce que tu appelles cela un écart de jeunesse. Organiser un réseau de prostitution, s’enrichir dessus et en plus, obtenir un non-lieu au motif que son père est bâtonnier et qu’il a des relations. Elle est belle la morale dans cette histoire !
L’homme jeune : Ne te mets pas dans état. Cette histoire ne nous regarde pas.
La jeune femme (haussant la voix, au bord de l’hystérie) : Tu n’as donc rien compris ? (un temps)… (Insistante) Où allons-nous ?
L’homme jeune : comment cela, où allons-nous ?
La jeune femme : Oui, où allons-nous, aujourd’hui, où allons-nous ? (un temps, l’homme jeune toujours perplexe) Au mariage de ta sœur, n’est-ce-pas ?
L’homme jeune : oui et alors ?
La jeune femme (détachant bien chaque mot avec insistance) : Au mariage de ta sœur dont le lieu est tenu secret. Nous avons rendez-vous à 13:30 à la gare d’Aix en Provence où nous attend un taxi qui nous conduira sur le lieu du mariage. Comme messieurs dames, n’est-ce-pas ?
L’homme jeune : Oui … (comprenant peu à peu)
La jeune femme (insistante) : Au mariage de ta sœur avec un certain Amaury Dupontel, çà te dit quelque chose, maintenant ?
Les 3 autres : OH !
L’homme jeune : Non, ce n’est pas possible ! Oh, non ! Le salopard !
La jeune femme : Tu vois quand il s’agit des autres, c’est un écart de jeunesse. Mais quand il s’agit du futur mari de ta sœur, c’est un salopard.
La jeune femme (au couple d’âge mûr) : Merci de nous avoir ouvert les yeux. Il était temps. Je crois que nous allons continuer notre trajet dans un autre wagon. Nous en avons assez entendu. (à son ami) Tu sais ce qu’il te reste à faire maintenant ?
L’homme jeune (se levant promptement et rangeant en toute hâte ses affaires) : Pour sûr, il est hors de question que ma petite sœur épouse un salopard doublé d’un fils de salopard.
Quand mon père va être au courant, son sang de général ne fera qu’un tour, quant à ma mère, elle va se précipiter chez son confesseur pour prier au salut de sa fille à moins que d’ici là elle ne fasse une crise d’apoplexie.
La jeune femme : Elle en serait bien capable !
L’homme jeune (sortant son téléphone de sa poche) : Je cours prévenir ma sœur avant qu’il ne soit trop tard.
(Le jeune couple quitte à la hâte le wagon et se dirige précipitamment vers la voiture-bar)
L’homme d’âge mûr (à sa femme) (très sec) : Tu es contente ? Ton bavardage incessant vient de créer un véritable scandale. Quand Dupontel va être au courant de notre indiscrétion, il va nous en vouloir à jamais. (Un temps) Je viens de perdre mon meilleur partenaire au golf. (Excédé) Mais quand vas-tu comprendre qu’il faut apprendre à te taire et qu’à colporter des ragots on ne récolte que les pires ennuis ?
La femme d’âge mûr (après un temps de réflexion) : Je sais ce qu’il nous reste à faire. (Sur le ton de la conspiration) Le jeune couple ne sait pas à qui ils avaient à faire. Tu es d’accord ? (Son mari acquiesce en opinant du chef) ? Et il est hors de question de retrouver les Dupontel en leur compagnie sur le quai de la gare ou à la mairie et qu’ils nous dénoncent. Tu es d’accord ? (son mari acquiesce à nouveau). Voilà ce que nous allons faire : on descend au prochain arrêt, à Avignon, et on reprend le premier train pour Lyon. Illico. Ni vu, ni connu !
L’homme d’âge mûr : Bien vu. (Retrouvant le sourire) Tu sais, Victoire, parfois, tu m’épates !
La femme d’âge mûr (fière d’elle) : Je sais. (Après un temps de réflexion) (boudeuse) Oh zut ! Je ne pourrais pas exhiber ma tenue que j’avais achetée pour le mariage. J’ai eu un mal fou à la trouver. (Un temps) Tant pis, je la mettrai pour le 14 juillet à la soirée du Gouverneur militaire. Personne ne l’aura encore vue. (Ravie et toute excitée) Je vais faire sensation !

Marylène

Scène1, dans le train Paris Montparnasse – Poitiers centre.
Agnès et Michelle venues de Paris, assises en face l’une de l’autre dans un compartiment bondé ; toutes deux restent muettes, Michelle, les yeux fermés, oreillettes sur les oreilles. Agnès, absorbée dans un film sur le mince écran de son ordinateur.
Elles essaient de trouver de la place pour leurs jambes.
Bien avant Poitiers, Agnès fait deux fois l’aller retour aux toilettes et semble ne plus tenir en place, nerveuse elle s’agite.
Michelle, patiente, l’observe puis, intriguée, elle soulève ses écouteurs et demande d’une voix douce :
- Vous descendez à Poitiers ?
A- Oui …
M - Moi aussi, je change à Poitiers pour Limoges…
A - Ah !
M - Vous aussi ?
A - Oui, et je ne veux pas rater la correspondance, je suis attendue à Limoges … pour un mariage !
M - Ca alors moi aussi !
A – Un ami lyonnais, il épouse une fille de la région.
M –Ma cousine … Jade, elle, fréquente depuis deux ans un Lyonnais, ils ont finalement décidé de se marier … à Limoges, sa ville natale …
A - Alors vous êtes la cousine de l’heureuse élue de Didier !
M – On dirait !
A – Alors on se tutoie ?!
M et A en chœur :
- On va donc faire la fête ensemble ! Double raison pour ne pas rater la correspondance !
Et elles se lèvent dans le même élan.
M – Laisse moi prendre ta valise, elle a l’air super lourde, elle est bourrée de cadeaux ou quoi ?
A – Oui, entre autre, quelques spécialités lyonnaises en plus … Didier raffole !
A – … Et ta cousine, elle est comment ? Didier ne nous l’a jamais présentée à Lyon, quand il revient, il fait des mystères, on dirait qu’elle a peur de la grande ville … et lui, peur de la perdre !
M – Ah Jade ! … A elle seule c’est un mystère ! J’ai beau la côtoyer depuis toute petite, j’ai l’impression de ne pas la connaître, elle a deux ans de moins que moi, mais si sérieuse, si rangée, si fière aussi …
La voix du chef de train hurle soudain dans le micro :
« - Nous arrivons à Poitiers, correspondance pour Limoges Bénédictins : 12h04, correspondance pour Brive la Gaillarde : 12h15, corresp’…ssscre… screuechecheu ... Assurez vous que vous n’avez rien oublié dans le train »
A – Pas la peine de crier !
M – On a presque une heure pour rejoindre le quai d’en face ! ! !
A : On n’oublie rien ? Manquerait plus que les cadeaux restent dans le train !
M : C’est du plomb cette valise ! T’aurais pu compresser un peu, non ? »
Un vieil homme (pas si vieux), se faufile lui aussi dans le couloir vers la sortie, à leur hauteur, il s’interpose poliment :
« Laissez, je vous la descends ! »
A et M « –Merci, merci »
Puis le monsieur aimable salue et, rapidement, s’engouffre dans les escaliers.
Elles se regardent : « - On va s’asseoir dans la salle d’attente ? … Par ici l’ascenseur ! »

Quelques minutes plus tard dans la salle d’attente, le gentil monsieur porteur de valise, lit la presse locale, A et M se laissent tomber sur la banquette en bois derrière lui.

Scène 2 : Dans la salle d’attente en gare de Poitiers.

A - « Alors et toi tu les as déjà vus ensemble les tourtereaux ?
…Y’a pas moyen de voir à quoi elle ressemble ta cousine ? T’as pas une photo ?
M- Attends j’ai une photo de l’été dernier, ou de l’été d’avant ? On était en vacances dans le château de nos grands parents, c’est un endroit super pour se retrouver en famille, parce qu’on a une très grande famille … Ah la voilà ! C’est elle avec la robe rouge à pois blancs, on dirait une Andalouse avec ses longs cheveux noirs, mais tu vois elle fait bande à part, elle ne se mélange pas avec les cousins cousines, elle reste avec les vieux, regarde ! Regarde bien, elle fait la gueule non ? Bon, c’est ça son genre, on dirait que les jeunes de son âge, elle ne les supporte pas ! Je me demande comment elle a fait avec ton copain ? Il est vraiment fait pour elle ton Didier ? C’est un type comment, d’après toi qui le connais bien ?
A : Beuh ? …Un beau gosse ! Mais, pas grand-chose dans le ciboulot ! Enfin, à ce que j’en sais ! Je ne le vois plus beaucoup depuis qu’il a arrêté ses études de médecine ! Tu te rends compte arrêter ses études ! Une carrière toute tracée, chirurgien comme papa, tu ne crois pas que c’est du gaspillage ça ? Pour faire quoi ? Tu sais ce qu’il fait maintenant ? De la musique !
M : Mmeuh …
A : j’te choque ? T’en penses quoi, réellement ?
M : Un mystère de plus ! Tu sais que Jade aussi a arrêté ses études ?
Elle devait rentrer dans une grande école de commerce, eh bien, en deuxième année de prépa elle est partie sans laisser d’adresse, après les vacances de pâques ils ne l’ont pas revue à l’école, elle n’a jamais voulu y retourner, elle a fait une déprime, plus personne ne pouvait la voir, son père a fait une colère noire, toute la famille était chamboulée, j’ai su après que, seule sa mère l’avait soutenue, elle lui a dit qu’elle avait raison, qu’elle pourrait faire autre chose, que dans la vie il n’y avait pas que les grandes écoles et le commerce, qu’on pouvait vivre au pays bien plus simplement, et peut-être même mieux … ! ?
A : et ensuite ?
M : Ensuite … Elle a rencontré un vieux – en chuchotant : c’était pas encore Didier !!! – Elle est partie avec cet homme, pendant 6 mois, on ne sait pas où, il avait 20 ans de plus qu’elle, au moins ! Alors tu comprends dans la famille ça a fait à nouveau jaser, ils ont failli s’entretuer, chacun donnait son avis, sa mère pleurait, son père était au bord de l’apoplexie, sa grand mère voulait mourir et son grand-père pensait que c’était ce qu’elle avait de mieux à faire… Nous les cousins, les frères et sœurs on n’avait qu‘à se taire et surtout pas de vague ! Surtout que… »
L’homme au journal assis sur la banquette devant elles, se retourna, et en guise de présentation poursuivit :
Surtout que le Vieux, il était …mat de peau (geste de dépit)… les cheveux aussi noirs et bouclés que ceux de Jade, un vrai Sarazin ! Je me présente : Jafar, venu de loin ! Et moi aussi je veux fêter le bonheur retrouvé de Jade l’Andalouse en Limousin ! » conclut-il avec un grand sourire, ravis.
Avant qu’il ait fini sa phrase le beau Sarazin, pas si vieux, s’était levé :
Jafar : Maintenant ne loupons pas notre correspondance, si nous voulons assister au mariage ! »



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