Un souvenir de voyage désagréable. Un souvenir de voyage désagréable.

lundi 18 janvier 2016 par Elisabeth

Proposition d’écriture :
Après les bons souvenirs, racontez un souvenir désagréable.

Jacqueline

Le 11 février 1976
Ma sœur Christine, son mari Jean-Louis, Pierre, un de leurs amis et moi avions projeté de faire une randonnée à ski dans les Hautes Pyrénées au-dessus de Cauterets. Nous devions monter au refuge de Marcadau où nous passerions la nuit puis, le lendemain, rejoindre le refuge des Oulettes en franchissant deux cols de haute montagne et redescendre sur Cauterets par la vallée du lac de Gaube.
Il a pas mal neigé les jours précédents et la neige est abondante A partir du Pont d’Espagne, la montée au refuge du Marcadau se fait à peaux de phoque au milieu des pins. Le refuge est situé à la limite de la forêt dans un magnifique vallon très ouvert et entouré de beaux sommets. Nous contemplons le paysage mais il fait froid et nous entrons dans le refuge. Il n’est pas gardé en hiver et il ne fait guère plus chaud à l’intérieur ! Nous ne quittons pas nos doudounes pour nous tenir chaud. Nous faisons fondre de la neige pour la soupe et nous nous réchauffons les mains autour du petit butagaz. Nous sommes jeunes, sportifs, enthousiastes à la perspective de la belle course du lendemain et la soirée est joyeuse.
Nous partons tôt le matin. Il fait un temps extraordinaire. Nous montons un premier col qui donne sur un vallon très sauvage, en Espagne. Nous le descendons et le traversons puis remontons un couloir qui nous mène au second col, le col des Mulets. De là nous découvrons un paysage grandiose mais sévère et le refuge des Oulettes, notre objectif, au fond d’un cirque austère de haute montagne, dominé par l’impressionnante face nord du Vignemale.

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Face nord du Vignemale

Pour le rejoindre, il faut descendre une pente assez raide. Jean-Louis se lance et commence ses virages dans la neige vierge, puis Chris, puis moi et enfin Pierre. Soudain, j’entends une forte détonation : je me retourne et vois la montagne qui s’écroule comme une immense vague blanche. De saisissement, je tombe sur mes skis. Pendant quelques secondes qui durent une éternité, je vois l’avalanche passer à droite et à gauche. Puis soudain le silence. Je suis en vie ! Joie infinie.
Autour de moi, des blocs énormes de neige. Où sont les autres ? A ce moment-là, j’entends au loin la voix de Jean-Louis ; je n’ose répondre, paralysée par la peur instinctive de déclencher une seconde avalanche. Je dois redescendre au plus vite mais il est très difficile de progresser dans ces éboulis de neige. La fixation de mon ski s’est défaite et je dois me calmer pour la remettre avant de descendre. Enfin, j’aperçois Chris et Jean-Louis en bas de la pente. Ils sont saufs tous les deux. Jean-Louis n’a pas été emporté mais Chris est passée sous l’avalanche sur plus de 200m. Après avoir sauté un ressaut elle s’est retrouvée en surface dans le front de la coulée étalée sur la partie plate du cirque. Elle s’est démis un genou et a un ski cassé. Mais Pierre ? Où est Pierre. Nous nous mettons à crier : « Pierre ! Pierre ! ». Rien ne bouge : le silence est assourdissant.
Nous nous précipitons vers le refuge des Oulettes (non gardé en hiver) dans l’espoir de trouver une radio et appeler les secours. Mais il n’y en a pas. Pour aller au plus vite, il faut descendre par la vallée de Gaube ...Nous nous concertons. Chris ne peut descendre à cause de son genou et de son ski cassé. Je propose à Jean-Louis de l’accompagner mais il refuse et me dit de rester avec Chris en attendant les secours. Il part donc seul.
L’attente est longue. Le mauvais temps arrive. Nous comprenons que les secours ne viendront pas avant le lendemain. Il va falloir passer la nuit dans ce refuge lugubre sans savoir si Jean-Louis est bien arrivé à Cauterets…angoisse. Le vent souffle très fort. En pleine nuit, une bourrasque ouvre la fenêtre du dortoir où nous sommes installées. Je pense que nous finissons par nous endormir car au petit matin, c’est le bruit de l’hélicoptère qui nous réveille. Jean-Louis est donc sain et sauf : immense soulagement ! Nous courons dehors en chaussettes pour accueillir l’équipe des sauveteurs avec leurs chiens d’avalanche. Les recherches commencent aussitôt. Au bout d’un moment, les secouristes me demandent de monter avec eux en hélicoptère pour leur montrer là où j’ai vu Pierre pour la dernière fois. Je leur indique. Sur le versant, j’aperçois une petite plaque de neige restée intacte juste au-dessous d’un rocher. C’est là que je suis tombée. Les sauveteurs me disent que j’ai eu une chance incroyable car c’est le seul endroit qui n’a pas été emporté par l’avalanche !
L’équipe de secours mettra plusieurs heures avant de trouver et dégager Pierre, enseveli sous trois mètres de neige. Entre-temps, on nous a redescendus à Cauterets en hélicoptère. Et puis, il a fallu avertir la famille…
A quoi tiennent les choses de la vie ? Comment une randonnée si bien commencée a-t-elle pu tourner au drame ? Est-ce le risque inhérent à toute course en montagne ou bien notre expérience limitée de la montagne hivernale ? Est-ce le choix du jour et de ses conditions météo, celui de l’heure du départ, du versant plus ou moins exposé ?
Ce drame nous a marqués et nous avons attendu plusieurs années avant de refaire du ski de randonnée. Outre le choc de la disparition de Pierre, j’en ai gardé deux impressions à jamais gravées dans ma mémoire : celle d’une totale impuissance face à la force de l’avalanche et aussi l’euphorie mêlée de honte d’être toujours en vie.

Myriam

Le plus mauvais souvenir de voyage se situe en Laponie.
Après de nombreuses vacances au soleil sur la plage avec un mari adepte du bronzage naturiste, j’avais vraiment envie de fraîcheur. Et comme le couple battait de l’aile, je décidai de partir avec ma meilleure amie. En sortant de l’agence de voyage, nous étions en possession de deux séjours organisés en Norvège. Ce fut d’abord la visite de Trondein, jolie ville située sur un fjord puis l’embarquement sur un petit bateau en direction des Lofoten, beau groupe d’îles situées plus au nord. Mais nous n’étions pas encore à notre destination : Narvick, au nord du cercle polaire.
A la gare de Narvik, notre meilleur souvenir est un régal de fraises et de saumon. De là nous devions rejoindre le chemin royal qui mène de Norvège en Suède, non loin de la frontière finlandaise, pour une randonnée sac à dos. Nos sacs pesaient bien 16kg avec le ravitaillement et nous devions marcher pendant une semaine jusqu’à une ville de Suède pour y prendre un train. Notre guide n’était pas très bonne en anglais mais ce qui était plus grave, elle n’était pas meilleure pour l’orientation. Aussi, après avoir passé la première nuit dans des tentes inondées, nous avons marché de l’aube au crépuscule couvrant deux étapes en une pour dormir dans un refuge. Cette marche fut épuisante. A la fin on avançait comme des somnambules. Alors que j’avais ôté mes chaussures à chaque traversée de rivière, à la vue du refuge encore lointain je pénétrais dans la rivière chaussures aux pieds, elles mirent trois jours pour sécher. On ne peut pas dire qu’un bon repas nous attendait au refuge puisqu’on mangeait la nourriture transportée dans les sacs : tubes de pâtes rose au goût indéterminé et tranches de pain caoutchouteux. Le refuge était un joli bâtiment en bois typique qui nous semblait devoir comporter un sauna, mais en fait de sauna , on nous a donné une bassine d’eau chaude et indiqué la cascade.
Pendant huit jours nous avons marché au fond de vallées glaciaires, sur de petites planches en bois dont les pilotis plongeaient dans les marais. La monotonie de ce paysage ne fut rompue qu’une fois à l’approche du point culminant de la Norvège : le Kebnekaise, 2106 mètres, mais à notre grande déception le sommet ressemblait à un tas de cailloux.
Le huitième jour, arrivées au bout de notre calvaire, nous apercevons en contrebas un paysage enchanteur : des lacs, des arbres, de la verdure ! Malgré notre fatigue, nous accélérons le pas, mais plus nous descendons plus les moustiques sont présents et nous arrivons entourées de nuées zonzonnantes. Nous avons allumer notre boitier antimoustiques, censé émettre une onde attirant les mâles inoffensifs et repoussant les femelles piqueuses. L’ingénieur avait dû confondre les sexes de ces diptères. L’odeur écoeurante que nous dégagions à cause des quantités de vitamine D ingérée ne décourageaient pas plus ces insectes malfaisants, pas plus que les crèmes et bombes totalement inefficaces. Arrivées au bord du lac nous avons monté les tentes où nous nous sommes engouffrées, et nous avons rabattu sur le visage la mousseline cousue sur notre chapeau.
Ne me parlez plus de vacances en Norvège !

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Laponie

Mary

Je venais d’intégrer un établissement qui bénéficiait d’un comité d’entreprise très avantageux. Je m’inscrivais au premier voyage proposé : un séjour de 8 jours en Tunisie au Club Med. Une occasion rêvée de découvrir les joies d’un club de vacances au nom prestigieux. Face à la forte demande, seuls les vingt-cinq premiers inscrits furent affectés à ce voyage. Aux suivants, dont j’étais, le comité d’entreprise leur proposa un séjour à l’identique dans un club dont ils nous assuraient qu’il offrirait les mêmes attractions et le même standing. Quelle aubaine, je n’avais j’avais fréquentait ce type de club !
Le jour venu, nous voici donc réunis à l’aéroport autour d’une guide qui nous accompagnera tout au long de la semaine. Nous sommes impatients de découvrir le lieu de notre résidence que nous imaginons exceptionnel.
Nous arrivons à la nuit tombée dans une zone touristique telle qu’il en existe tout au long des côtes tunisiennes. Le bus nous dépose au pied d’un hôtel, le porche est faiblement éclairé, nous déchargeons nous-mêmes nos valises, pas plus de comité d’accueil que de traditionnel thé à la menthe de bienvenue. Nous sommes dirigés jusqu’à nos chambres à travers un labyrinthe de couloirs et de patios faiblement éclairés. La fatigue aidant, nous nous installons rapidement dans nos chambres respectives et reportons au lendemain une visite plus approfondie des lieux.
Nous sommes nombreux le lendemain à la réception de l’hôtel pour nous plaindre qui de l’absence d’eau chaude, qui d’une tuyauterie bruyante, qui d’une eau noirâtre s’écoulant dans la baignoire, qui de la présence de cafards, qui du manque total d’éclairage dans la chambre qui, qui, qui… De toute la durée de notre séjour, nous n’obtiendrons satisfaction à nos réclamations. Quelle ne fut notre déception devant le buffet que l’on pourrait qualifier de frugal, voire ascétique. Les mêmes plats nous sont servis à chaque repas, tous sans saveur, baignant dans des bouillons insipides, nous sommes nombreux à être indisposés par la nourriture. L’hôtel dispose d’un terrain de jeux ainsi qu’un club enfant. Le premier jour, les enfants en reviennent les habits maculés de peinture bleue, un bleu pareil au ciel azuréen de Tunisie, les équipements viennent d’être repeints et la peinture n’est pas encore sèche, nous dit-on. Quand, le temps d’une escapade organisée par notre guide absente le reste du temps mais experte en organisation d’excursions payantes, nous laissons nos enfants en garde au club, nous les retrouvons dans la piscine avec des animateurs très sympathiques mais aucun qualifié de maitre nageur. Les enfants nous rapportent que pendant qu’ils prennent leur repas, les animateurs les regardent manger, certains même sont occupés au service en salle. La piscine est petite mais propre, un matériel de nettoyage est mis à notre disposition, une organisation se met en place spontanément entre nous pour que l’on puisse nager dans une eau claire à défaut de savoir si elle est saine. La mer au loin, que l’on ne voit pas danser le long du golf clair, est accessible en passant au travers d’un autre établissement hôtelier qui nous laisse miroiter le charme de ses équipements et l’opulence de son buffet. Nous squattons leurs parasols et leurs chaises longues dont nous sommes parfois délogés sans égard. Mais, le clou, le pompon, le top de notre séjour c’est l’animation des soirées qui s’inspire effectivement des soirées du club med mais dans un esprit bien différent, plus boulevardier et sans moyens aucuns. Un club med revisité façon colonie de vacances chantée par Pierre Perret.
La soirée s’ouvre et se termine systématiquement par la fameuse danse du club que nous sommes enjoints de reprendre en chœur. Il me revient encore l’air et les pas de cette danse. Je nous vois tortillant l’arrière train et chenillant dans la salle immense, au décor minimaliste, tous à la queue leu leu. La dernière soirée de cette magnifique semaine nous la passons réunis quelques-uns dans une chambre autour d’un buffet improvisé par nos soins dans une bonne humeur buissonnière. Afin que la tradition soit maintenue, nous entamons avant de nous séparer à l’aube la fameuse danse du club.
Nous ne sommes pas nombreux dans l’hôtel. Nous apprendrons par la suite qu’il vient de changer de propriétaire et que la saison avec la nouvelle équipe commence justement cette semaine-là ; ceci peut expliquer le peu fréquentation de l’hôtel mais pas le manque certain de professionnalisme du personnel ni la vétusté de l’établissement.
La déconvenue est commune mais nous sommes quelques-uns à trouver la situation très cocasse. Alors que nous ne nous connaissions pas entre nous en début de séjour, un petit groupe solidaire se crée tournant en dérision la situation. Que de rires, de fous rires et de larmes de joie nous avons essuyées !
De ce séjour inoubliable est née une véritable amitié qui dure depuis maintenant plus de quinze ans. Notre fine équipe s’est surnommée les Tunisiens. Aucun de nous n’est parti à nouveau en voyage organisé, nous préférons les organiser nous-mêmes en toute liberté et à chaque escapade ce sont la même joie et la bonne humeur que celles que nous avions partagées lors de ce mémorable séjour en Tunisie.

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tunisie

Marie Noëlle

Le moindre mouvement m’arrache des gémissements de douleur que j’essaie de contenir pour ne pas réveiller le couple d’amis endormis dans le lit voisin. Un doliprane, par pitié ! Mais je crains de m’emmêler dans la moustiquaire suspendue au dessus de moi et je cherche à tâtons ma lampe de poche, en vain. Pour rajouter à mon inconfort, la chaleur moite de cette nuit tropicale me donne des sueurs. Des bruits inconnus venus du labyrinthe de canaux qui nous entourent, bruits insolites, impossibles à identifier ajoutent à mon désarroi. Rien ici ne ressemble à ce que je connais et je me sens perdue, diminuée, clouée sur cette paillasse à peine propre, avec une douleur lancinante aux côtes. La case où nous tentons de dormir est construite en lattes disjointes et j’imagine la lente progression de bestioles rampantes, d’insectes répugnants, de serpents sournois qui tous convergeraient vers moi.
Des pensées noires m’agitent. Comment vais pouvoir terminer ce voyage avec ces côtes fêlées ? Devrais-je être rapatriée ? Me faudra-t-il renoncer à aller visiter Angkor et ses temples ? Mais quelle imbécile j’ai été de vouloir me comporter comme une jouvencelle écervelée. Et ! oui, toute cette « galère » est bel et bien de ma faute… J’essaie de me consoler en me répétant comme une litanie : « les galères, ce sont les meilleurs souvenirs des voyages, on rencontre des personnes inattendues, on découvre la vraie nature du pays… » Mais rien n’y fait, je rumine, je rumine…
Et pourtant cette journée avait si bien commencé !
Nous sommes partis de Saïgon en bus, direction le Delta du Mékong.
Ces noms à eux seuls me donnent des ailes ! Au bord du fleuve, nous embarquons d‘abord sur un bateau en bois robuste et sûr. Nous croisons d’autres embarcations lourdement chargées de matériaux de construction. Nous bifurquons sur un canal latéral plus étroit et nous changeons de bateau. Ce processus se répète plusieurs fois : les canaux se rétrécissent, et nos bateaux réduisent également en taille. Nous avançons dans un dédale où l’eau et la terre sont étroitement mêlées. A l’arrière du sampan, une mince vietnamienne pagaie en cadence. Nous glissons su l’eau boueuse. Sur chaque rive, la végétation abondante, d’un vert d’émeraude, forme une haie impénétrable. Le soleil, de plus en plus haut dans le ciel, nous éblouit violemment. Un malaise nous gagne. Par chance, notre navigation se termine et nous savourons l’ombre rafraîchissante. Une belle surprise nous attend : nous allons terminer le trajet en vélo !
D’étroits sentiers bitumés serpentent entre les bambous, les palmiers d’eau, les marigots, les habitations et les jardins. Devant moi, mes deux compagnons roulent habilement et à vive allure et je les suis, légère comme à l’adolescence, enivrée par le dépaysement. « Imprudente ! Tu devrais te méfier de ce sentiment d’allégresse juvénile ! » Soudain, un petit pont très étroit, des feuilles sèches, du sable glissant, la peur de la chute qui entraîne, évidemment, la chute. Patatras ! Je bascule dans le ruisseau et m’empale sur des souches de palmier d’eau bien affûtées. Je hurle ! Tous accourent : le guide, les amis, les paysans voisins. On m’extrait de ce pétrin. Rien de vraiment cassé apparemment, mais mon beau chemisier rose est déchiré et mon ventre bien éraflé. On me soigne, on me plaint. J’essaie de faire bonne figure et arrive clopin-clopant au gîte accueillant.

En définitive, le seul bénéfice de cet épisode navrant, c’est le souvenir des douces mains masculines, celles de notre guide. Elles s’empressent pour me désinfecter et poser délicatement une compresse protectrice.
Je me remémore cet instant de douceur inattendu et j’arrive enfin à m’assoupir.

Elisabeth

Je suis allée cinq fois en ex Yougoslavie, je n’en garde que de mauvais souvenirs. Pourquoi y retourner ? Me direz vous. C’était sur la route de la Grèce. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui m’ont accompagnée et à chaque fois j’espérais pouvoir effacer les mauvais souvenirs du séjour précédent.
Quel mauvais souvenir choisir ?
Celui où j’ai eu le plus peur.
Nous avions roulé toute la journée le long de la côte en croatie. C’était un beau paysage. Au début surtout. En fin de journée, la mer d’un côté et la montagne aride de l’autre, c’était lassant. Cela devenait même angoissant. Nous n’avions aperçu aucun village depuis le matin. Nous commencions à nous demander si nous aurions assez d’essence, et nous ignorions la distance qui nous séparait d’un village ou d’une petite ville.
Joli coucher de soleil sur la mer.
La nuit tomba. Nous roulions toujours entre mer et rocaille.
Enfin quelques lumières nous donnèrent de l’espoir.
C’était un village perché. Il y avait même un hôtel. Bon standing d’apparence mais il ne fallait pas regarder de trop près.
La salle du restaurant était pleine. Que des hommes.
Un couple d’étrangers, ça se remarque.
Nous sommes reçus avec convivialité, ce qui est rare dans ce pays. Nous nous installons pour diner. C’est déjà une aventure. Vous vous en doutez, personne ne parle ni français ni anglais. Je lis le cyrillique mais ça ne me dit pas ce que contiennent les plats. Le choix n’est pas énorme. Je décrypte goulash. Ça fera l’affaire.
Tous les yeux sont braqués sur nous.
Je ne me rappelle plus ce que mon compagnon est allé chercher dans la voiture. Je suis donc restée seule.
Pas longtemps. Tout à coup, toutes les tables se vident et une douzaine d’hommes m’ entoure.
Je sais dire « je ne comprends pas » en russe mais pas en croate. Mes expériences antérieures m’ont appris qu’ils n’aiment pas qu’on leur parle russe. Je ne dis rien et tente de rester souriante, faisant signe que je ne comprends pas ce qu’ils me disent
Que veulent-ils exactement ?.
Je pense que mon ami ne s’est pas absenté longtemps mais cela m’a paru un siècle.
Son rire devant la scène lorsqu’il est rentré dans la salle les a désarmés.
Chacun a repris sa place et nous avons mangé tranquillement notre goulash.

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croatie

Marylène

Partie avec une amie en Écosse nous allons rejoindre les îles du Nord Ouest, South Harris et Lewis, les îles Hébrides extérieures. En mai les journées sont longues, nous comptons sur notre bonne étoile pour satisfaire notre besoin de soleil, pour le reste, nous avons tout prévu et prioritairement de parcourir les îles, à pied, à partir d’un gîte loué là bas....
Arrivée à Inverness en avion, nous prenons les transports locaux pour le circuit du Loch Ness.
Du haut d’un bus panoramique, nous survolons la campagne écossaise, vide d’habitants nous semble-t-il malgré les quelques villages épars qui sont l’occasion pour nous d’observer les particularités architecturales de petites maisons coquettes, construites à côté d’anciennes ruines, façades et jardinets proprets, infailliblement clôturés pour tenir à distance les nombreux petits groupes de moutons à tête noire qui parfois traversent nonchalamment la route étroite sans s’inquiéter des rares véhicules arrivant sur eux à vive allure : un danger l’un pour l’autre mais qui reste heureusement souvent sans conséquence ... Au loin la côte se dessine, l’eau devient de plus en plus présente, le ciel plonge dans le Loch, nous ne sommes pas pressées de mettre pied à terre, ce paysage nous berce à merveille.
Retour à Inverness, un peu en avance au rendez-vous avec notre hôte qui nous servira de taxi jusqu’au ferry à Ullapool.
Il fait chaud, nous nous installons à un bar, poste de contrôle infaillible.
Nous observons le va et vient des voitures, notre taxi se fait attendre un peu plus que prévu.
Une demi heure, trois quart d’heure passent, notre rendez-vous tarde ; malgré le flot incessant de véhicules, le nôtre, un VW vert, n’arrive toujours pas.
Que se passe-t-il ? Erreur sur le lieu de rendez vous ? Sur l’horaire ? Sur le jour ?
Ne voyant toujours rien venir, nous téléphonons, une fois, deux fois, trois fois, sans succès !
Erreur sur le numéro de téléphone ?
Le soleil est encore haut mais l’ombre dans ce coin de rue gagne, il fait plus frais, toujours pas d’appel, l’heure du ferry approche, nous allons le manquer ? Quelle solution prendre ? Encore, un quart d’heure, pas de nouvelle, pas de jonction possible avec notre correspondant, les minutes s’égrènent sans répit, nous n’en menons pas large, nous nous proposons l’une l’autre des solutions à cette impasse, mais aucune n’est satisfaisante. A la relecture de tous les documents de location, mails et textos échangés, nous buttons toujours sur le même constat, nous n’avons pas d’autre solution, attendre ! J’avais depuis un moment pris mon carnet et mes crayons et je dessine les immeubles de la place pour essayer d’oublier le temps, et ça marche ! Mon amie est de plus en plus anxieuse, elle commence à donner des signes d’inquiétude réelle, moi je continue à dessiner imperturbablement comme si je ne trouvais rien d’anormal à cette situation. Je dois l’énerver. Moi aussi je commence à m’inquiéter, mais je me garde bien de le lui montrer, quand enfin arrive,à trop vive allure pour ne pas être immédiatement remarqué, un camping car vert luisant que nous reconnaissons immédiatement. Le chauffeur saute de son siège et nous salue comme s’il retrouvait de vieilles connaissances, il charge prestement nos bagages dans le véhicule et nous prie de nous dépêcher, il ne faut pas tarder, le ferry ne nous attendra pas ! Consternées, nous obtempérons. Arrivé sur le quai notre véhicule est le dernier embarqué, soulagement total.
Mon amie reprend ses esprits et retrouve bientôt son anglais, accent écossais, essayant d’enregistrer ce que notre compagnon de voyage explique dans un flot ininterrompu de paroles étranges à mes oreilles. Au bout d’un moment elle semble avoir compris mais ne me fait pas la traduction, ça attendra. Je ne saurai donc pas pourquoi nous avons dû faire le poireau deux longues heures durant, sur un parking crasseux, au lieu de visiter tranquillement la ville. Notre chauffeur quant à lui, semble croire que nous étions arrivées tout juste cinq minutes avant lui !
Bon, il faudra que je fasse des progrès en Anglais d’Ecosse même si pour admirer les paysages cela ne me semble pas d’un intérêt essentiel !
Le ciel bleu, des petits nuages blancs, un bras de mer scintillant et la côte des Hébrides qui s’applique à l’horizon ! Le moteur du bateau ronfle, une fumée noire s’échappe de la cheminée.
Le grand tour de l’île aux oiseaux peut commencer !

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ecosse


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