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Atelier d’écriture du 9 décembre 2018.
dimanche 9 décembre 2018 par
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Ne croyez pas que nous n’avons pas écrit entre ces deux dates. Nous nous sommes rencontrées tous les mois, comme d’habitude mais compte tenu de la confidentialité des textes, ils n’ont pas été publiés.
En octobre, j’ai lu un extrait de " Regarde les lumières, mon amour" d’Annie Ernaux, que je vous invite à lire.
C’est une observation des clients de grandes surfaces. Un délice.
Il fallait donc écrire sur nos courses en grandes surfaces.
Marie France
Depuis plusieurs jours je pioche dans les réserves des placards, du frigo, de la cave. Il n’y a plus rien ou plus grand chose...Les courses, corvée ou occasion de sortie, reviennent à intervalles réguliers. J’habite en montagne. A part la boulangerie du boulanger-paysan qui vend son pain deux fois par semaine et seulement le matin , et seulement à ceux qui n’arrivent pas trop tard, il n’y a aucun commerce chez moi. Il faut compter six kms pour l’épicerie la plus proche et douze kms pour le supermarché.
Quand je vais en courses, pas d’improvisation. Tout au long des jours précédents, je note sur une feuille, chaque fois que je constate un manque : citrons, oeufs, fromage, piles, huile d’olive, éponges...Le jour J je reprends cette liste ou parfois plusieurs listes car j’ai égaré la première et j’en ai commencé une deuxième, une troisième.Equipée du précieux document je le réécris, je l’organise en fonction de ma déambulation dans les rayons. Je m’approvisonne presque toujours dans la même grande surface, car elle n’est pas trop grande justement. J’économise de la fatigue. Plusieurs supermarchés de petite taille ont fermé ou se sont agrandis, à mon grand regret.
Une fois la liste dans mon sac à main, dans la poche latérale, celle avec la fermeture éclair qui n’a pas de grande tirette, il faut penser aux sacs. Les grands, pour tout, les petits, pour le vrac, les isothermes. Certains sont dans le coffre de la voiture, d’autres au garage.
Départ pour la ville, qui n’en est pas vraiment une. Quel terme conviendrait ? Village ? Non. Trop de voitures. Agglomération me paraît plus conforme. C’est un carrefour où sont venus se coller des services bancaires, une tatoueuse, une maison de la presse, un fleuriste, deux boulangeries, une boutique de vêtements et un collège , le tout enserré entres les voies de communication et les ronds points. C’est un lieu de passage où il est possible de s’arrêter. Deux supermarchés. Le carrefour market, près de mon ancien lieu de travail a grandi et s’est embelli, enfin c’est l’argument avancé. J’y ai perdu mes repères et j’ai commencé à fréquenter l’intermarché.
Quand les portes s’ouvrent devant mon caddy, je perçois aussitôt l’odeur du lieu. C’est la même odeur quelle que soit l’enseigne. Liste en main et au pas de charge, la bataille commence. Bataille, car il faut de la tactique pour remplir efficacement le chariot, de la réflexion pour acheter responsable, de la stratégie pour éviter les rencontres qui vont doubler mon temps dans ce lieu. Tout va bien, j’ai un caddy très roulant.
Je conserve maintenant les nombreux tickets de réduction donnés au passage en caisse mais j’en bénéficie rarement parce que la date de validité est passée, parce que la réduction est valable mais dans un autre magasin, parce que ça ne marche que le dimanche, parce que le produit intéressant est intéressant mais introuvable. J’ai surtout le sentiment de me faire rouler, soit parce que j’ai acheté plus que prévu, soit parce que le gain supposé est nul finalement.
Lorsque j’ai rayé tous les termes de la liste, je ressors du supermarché généralement fatiguée, mais avec la satisfaction de la tâche accomplie. Satisfaction troublée néanmoins par quelques réflexions intérieures. J’aurais dû prendre le pain à la boulangerie, et les légumes sont meilleurs à la ferme des lys, et c’est sûr que les steacks ne vaudront pas ceux du boucher d’Izernore.
Il m’arrive aussi de passer de boutique en boutique, déplaçant ma voiture d’un commerce à l’autre car à pied les distances sont trop importantes. Parfois je me dis que c’est la dernière fois que je vais dans une grande surface, qu’il faut faire marcher le petit commerce, consommer local. Je suis convaincue que je dois changer mes modes de consommation, consommer moins, consommer utile.
En vacances au lavandou, j’ai lu, écrit à la main sur un banc "diminuer son vouloir d’achat" et j’aimerais en faire mon slogan.
Marylène
Elisabeth
Avez-vous en mémoire que les supermarchés ont fleuri en 1970 ?
Auparavant, il y avait un rayon alimentation à Prisunic, Monoprix ou aux Nouvelles Galeries, mais l’espace était réduit et c’était déjà pour les pauvres. Les nantis avaient leur boucher, leur boulanger pâtissier, leur épicier, avec cette notion d’appartenance. Ils disaient mon boucher, mon boulanger, mon épicier. Dit-on mon Auchan ? Mon Mamouth ? Non. On dit Auchan Saint Priest, Leclerc Beynost.
Dès la construction de ces grands ensembles avec leurs grandes surfaces, j’ai ressenti de la répulsion. Beaucoup trop grand ! Trop de choix ! Que choisir ? Ce qui a inspiré une association et son mensuel.
Je préférais ma boulangère, même si elle n’avait plus de pain à midi et mon épicière même si elle allégeait rapidement mon compte en banque. A la campagne, on trouvait l’ancêtre de ces super-marchés. L’épicerie bar tabac vendait de tout, du fromage au linge de maison en passant par les chaussures.
Hélas ! J’ai dû m’expatrier en ville et j’ai commencé à fréquenter ces lieux de perdition où l’on achète ce dont on n’a pas besoin. Cela reste dans un placard et quand on le retrouve, c’est périmé.
La corvée Auchan Part-Dieu devenait supportable quand j’y allais avec ma fille adolescente dont l’esprit critique ne manquait pas de nous occasionner des fous-rires.
Les temps ont changé et je suis allée seule à celui de Caluire, jusqu’à ce que l’informatique me sauve de cette situation ennuyeuse et fatigante. Toutefois, le lundi matin est une plage horaire où se rendre au Super-Marché est une invitation dans la Société de consommation à un rythme de promenade.
Depuis que j’ai découvert les rayons virtuels que je peux parcourir de chez moi, à n’importe quelle heure, "faire les courses" est un plaisir, d’autant plus que le lendemain, je suis livrée à domicile sans avoir eu à mettre dans le caddy, sortir du caddy pour mettre les achats sur le tapis roulant, remettre dans le caddy et tirer de toutes mes forces sur ce panier à roulettes.