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Atelier d’écriture du 28 janvier 2017. La chandeleur et les mots tordus.
lundi 6 février 2017 par
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Comme nous étions près du 2 février, l’atelier a commencé avec les souvenirs de la chandeleur.
Mary
Retenue à mon bureau par une réunion de dernière minute, je rentre un peu plus tard qu’à l’ordinaire alors que je sais les enfants seuls à la maison.
Une odeur de sucre caramélisé et de beurre cuit me cueille dès le seuil de la porte franchi. Je pose à la hâte mes affaires au vestiaire alors qu’une musique hardcore à plein volume reprise à plein poumons par un chœur cacophonique me vrille les tympans. J’entre en trombe dans la salle de vie croyant surprendre mes enfants en plein délire mais mon entrée passe complètement inaperçue parmi la vingtaine de jeunes qui gesticulent et se trémoussent au milieu de la salle à manger, des confettis et des serpentins jonchent le sol, la fête bat son plein. Je cherche du regard un visage connu, je distingue alors ma fille ainée déguisée en Minnie qui s’active aux fourneaux, le tableau est saisissant. Déboule du fond du couloir le Capitaine Crochet portant sur ses épaules la fée clochette, mon fils et sa petite sœur. Il me fait rentrer dans la danse tout en m’expliquant qu’ils ont improvisé une crêpe party à laquelle ils ont convié quelques copains, j’en compterais plus de vingt au final.
Moi qui les pensais inquiets de mon retard et affamés comme à l’ordinaire ! Je suis ravie de constater qu’ils ont pris en mains cette première journée de vacances pour en faire une fête de mardi-gras et de la chandeleur réunis. Quel délice de savourer une crêpe dégoulinante de Nutella au milieu de mes turbulents ados et de leurs amis réunis et quelle joie de les voir joyeux et plein de vie. Mon Dieu, comme ils ont grandi !
Jacqueline
La chandeleur
Chandeleur ou Mardi gras ? J’ai toujours confondu les deux. La Chandeleur précède Mardi gras qui marque la fin du Carnaval et le début du Carême. A la maison, on devait faire les crêpes le jour du Mardi Gras car, à cette occasion, notre mère évoquait toujours avec nostalgie le Carnaval de Dunkerque, où elle se déguisait et défilait dans les rues.
Je n’ai aucun souvenir précis de ce moment sinon qu’il rompait un peu la monotonie du repas traditionnel car il avait lieu à la cuisine et non dans la salle à manger. Peut-être, même, avions-nous le droit de nous lever pour venir retourner notre crêpe ?
Sabine
… quand on fait des crêpes chez nous, ma mère vous invite… vous invite tous… une pour toi une pour moi une pour mon petit frère François…(bis)
« Et hop !... Mes chéris, pour qui celle- là ? moi, moi … oh, je suis toujours servie la dernière ! ce n’est pas juste ! » : véritable excitation dans la cuisine enfumée. Nous sommes le 2 février, jour de la Chandeleur, et, comme chaque année à cette époque, notre mère ne faillit jamais à cette tradition. Tradition de l’Eglise ? J’ai de vagues souvenirs de ces leçons si ennuyeuses de catéchisme où tout se confondait : actes de contrition, péchés mortels, enfer et autres termes effrayants qui me tétanisaient. Heureusement, notre mère voyait les bons côtés de la religion, en faisant sauter des crêpes le 2 février… et Hop !
… Quand on fait des crêpes chez nous…etc…
Elisabeth
Chez ma grand-mère, c’était une tradition. Il fallait manger des crêpes le 2 février.
Quand on est enfant, peu importe l’origine, le pourquoi, le comment, c’est un repas de fête.
Elle ne faisait jamais de crêpes salées. J’ai découvert les galettes de sarrasin beaucoup plus tard, lors d’un voyage en Bretagne.
J’ai maintenu la tradition avec mes enfants.
Les crêpes de la chandeleur, c’est ma madeleine de Proust. Je déguste encore, tous les ans, celles de ma grand-mère, disparue en juillet 1971.
seconde partie de l’atelier.
J’ai lu un extrait de Sodome et Gomorrhe : les intermittences du coeur.
Dans cet extrait, le narrateur arrive à Balbec pour la seconde fois. Le directeur de l’hôtel vient en personne le chercher à la gare. Il veut prétendre à du vocabulaire devant ce client riche et instruit mais il emploie les mots à mauvais escient.
Il est demandé de raconter une anecdote dont le personnage principal n’emploie pas les bons mots.
Mary
Un mot pour un autre
Ce matin, je reçois une personne qui vient de subir un licenciement pour motif économique et en tant que coach je dois l’accompagner dans le cadre d’un outplacement mandaté par son dernier employeur.
En face de moi, une jeune femme, la petite trentaine, menue, des yeux bleu de lin noyé dans un visage de porcelaine auréolé d’une couronne vaporeuse de cheveux blond cendré. Sa beauté virginale me trouble au point que j’échappe à son regard d’acier afin qu’elle ne perçoive pas à la fois ma gêne et mon plaisir de la contempler. Visiblement, elle n’a pas conscience de l’effet qu’elle peut produire sur ses interlocuteurs.
Dans sa présentation, elle me dit être d’origine russe, venue tenter sa chance en France il y a cinq ans par attrait pour notre bureaucratie (je pense qu’elle veut dire "démocratie") et notre culture. Elle se présente simplement, avec une pointe de timidité ; elle me précise qu’elle ne maîtrise pas encore toutes les fitness de notre langue. Effectivement, je lui fais préciser qu’elle entend dire par les fitness, les finesses de notre langue. Elle rougit et s’excuse de son infusion ; voulant la mettre en confiance et ne pas accroitre son embarras, je ne relève pas la confusion. Son léger accent opère un charme certain qui rajoute à mon trouble. Je me ressaisis et adopte pour ce faire une posture professionnelle en me centrant sur la situation de cette jeune personne en quête d’emploi. Son cursus et son expérience professionnelle sont en cohérence ; ses atouts sont confirmés par des certificats élogieux de ses précédents employeurs. Elle me dit être prête à faire des confessions sur ses présentations salariales (je traduis par des concessions salariales). Quand je lui demande d’évoquer ses qualités personnelles, elle me cite la vigueur, la direction et son goût du travailler à plusieurs. Je ne m’attache pas à l’ambigüité de ses propos et décode immédiatement en rigueur, discrétion et aptitude à travailler en équipe, atouts combien nécessaires à occuper les emplois auxquels elle peut prétendre. A propos de ses manques et de ses marges de progrès, elle évoque la traitrise (maitrise bien sûr) de la langue française et la confiance en soi pour mieux se vendre, me dit-elle. Je confirme en tous points ses attentes et après une courte synthèse de ce premier entretien lui propose un nouveau rendez-vous afin de poursuivre dans sa démarche d’accompagnement vers l’emploi.
Je sors de cet entretien épuisé et tendu à la fois. Si je veux être honnête, il conviendrait que je confie le suivi de cette personne à un autre de mes collègues. Mais en ai-je vraiment l’intention ? N’en déplaise à mon intégrité, j’ai très envie de la revoir, je crois bien m’être entaché, que dis-je, attaché à sa personnalité Voilà que son infusion me gagne. C’est Beyrouth ou en l’occurrence, la Bérézina, je bats en retraite. Je sors et me dirige jusqu’au bistrot du coin de la rue prendre un remontant et me rafraîchir les esprits et les sens.
Jacqueline
Un mot pour un autre à la manière de Tardieu
Madame Saperlipopette fait irruption dans le salon tout en interpellant sa bonne
Firma, n’oubliez pas d’éteindre la chandeleur quand vous aurez fini de préparer les crapotes. L’an dernier, vous les aviez toutes cramoisies, ma fille !
Firma : Madame obtempère ! Elles étaient juste un peu cramées, pas cramoisies…
Madame Saperlipopette : Allons, petite, ne jouons pas avec les mots. Cramées ou cramoisies c’est du pareil au même. Elles étaient tout simplement immanquables !
Juste à ce moment, la sonnerie retentit. On voit Firma traverser hâtivement la pièce pour aller ouvrir la porte d’entrée. Entre, Madame Perlimpinpin, suivie d’une ribambelle d’enfants joyeux.
Madame Perlimpinpin tendant son parapluie à la bonne : Quel temps affreux, je suis toute trempée ! Allons, Firma, emmenez vite les enfants à la cuisine et ne nous dérangez sous aucun prétexte.
Madame Perlimpinpin venant au-devant de son amie Chère pantoufle, vous ici, quelle belle traitrise !
Madame Saperlipopette : Oui, quelle belle traitrise en effet…pour une fois, vous avez employé le mot juste, très chère…Mais asseyons-nous, moi aussi j’ai une surprise pour vous.
Les deux femmes s’assoient sur le canapé pendant qu’on entend les rires des enfants dans la cuisine.
Madame Saperlipopette, avec un sourire suave : Oui, je dirais même une bonne surprise, car figurez-vous que l’autre jour, j’ai croisé Firma aux bras de votre époux au Parc de Montsouris…
La porte de la cuisine s’ouvre et l’on aperçoit Firma qui s’enfuit en riant avec une poêle, poursuivie par les enfants.
Sabine
COMMENT JE SUIS DEVENUE APIC (addict)
Beaucoup de personnes sont apic à la boisson, à la drogue, à la peinture et à bien d’autres causes (choses). Moi, je me suis découvert une envie folle d’égratignure (écriture). Cela m’est venu comme ça, naturellement. Il faut dire que j’ai découvert un monde très étranglé (étranger) au mien, les SDF. Un photographe aurait pu faire des instants damnés (instantanés) pour figer (fixer) à jamais ces moments déplorables (mémorables). Ma mémoire un peu déféquante (défaillante) a besoin de repères, d’où l’égratignure. Ce nouveau mode d’expression me bouscule, me chavire. Plus je crie (j’écris), plus j’ai envie d’écrire. Mes tunnels (lunettes) sur le nez, installée devant mon horodateur (ordinateur), je suis prise de fraise ennemie (frénésie) et les mots, les phrases s’entrelacent, se marient. Je perds alors la nation (notion) du temps. Transportée dans un nouveau bol (monde), je suis vraiment devenue apic
Elisabeth
Eté 67 ou 68, parfois je superpose les dates, les évènements,les étés. 70 est le seul que je ne confonds pas. Il a sa spécificité et ses répercussions sur mon présent.
Revenons à l’été 67 ou 68. Je dirais 68 peut-être parce qu’il me semble que les colonels s’étaient déjà bien implantés dans leurs crimes commis depuis le coup d’état du 21 avril 1967.
Cet été-là, je suis partie en stop avec Monique, une collègue qui partageait ma passion hellénistique.
Nous quittons Le Havre. Tout se passe bien et en peu de jours nous arrivons au pied du Mont Olympe.
Un Grec anglophone nous invite à monter dans sa voiture.
Je rapporterai ici le dialogue en français.
"Où voulez-vous aller ?
Dans un camping. (prononcé à la française.)
Où ?
Dans un camping.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
Un endroit avec des maisons en toile, caravaning, eau.."
Nous faisons le geste pour les maisons en toile, ce qui les fait ressembler à des tipis plus qu’à des tentes.
"oh ! campppp pingn ! Yes, je vois. Vraiment, vous les Français, vous avez un tel accent pour prononcer les mots anglais !
Il répétait campppp pingn campppp pingn et nous répétions après lui. La conversation prend fin dans les rires. Il nous dépose au camppp pingn. Là, c’est une autre affaire, il faut décrypter les panneaux.
Pour ces méprises linguistiques, je n’avais pas besoin d’aller en Grèce, je connaissais au Havre un concierge qui faisait rapidement le tour du pâté maison pour aller acheter sa braguette de pain. Il faisait pousser des poires en escalier. Elles étaient si grosses qu’il n’en fallait pas beaucoup pour faire une douzaine.
Marie Noëlle
Pétillants, pleins de malice et de curiosité, chaque dimanche, nous sillonnons les environs de Bel Abbès, entassés avec nos amis Max et Hélène dans la 4L bordeaux. Personne sur les routes mais une bonne carte et quelques panneaux routiers en triste état sur lesquels se mêlent les noms français et les nouvelles appellations. Oran est devenu Ouaran, peu de changement. El Amria à la place de Lourmel, El Asnam pour Orléansville. L’Algérie, c’est El Djezaïr. La géographie fait sa guerre d’indépendance et l’ex-colonisé renomme son territoire. Parfois l’alphabet latin cohabite avec l’écriture arabe.
Ce jour-là, cap sur la côte Nord : Arzew et Mostaganem.
Le temps de février est clair, lumineux, frais, vivifiant. En riant, nous récitons la phrase célèbre de Lyautey : « L’Algérie est un pays froid où le soleil est chaud ».
Nous découvrons le vaste port d’Arzew et ses raffineries de pétrole, sous surveillance militaire.
A Mostaganem, « Mosta », comme on dit, les eaux du port Georgette sont agitées. Un vent violent souffle du nord et des gerbes d’eau aux mille paillettes giclent sur la jetée. Hélène, la montagnarde, peu habituée à la méditerranée et férue de belles photos, mitraille. Mais l’heure du repas approche. Les touristes sont rares, c’est un euphémisme, et nous sommes très heureux d’avoir le choix entre deux gargottes. Nous optons pour la plus avenante. Sur la porte d’entrée est affiché le menu, ce qui laisse présager une bonne organisation.
Salade de tomates. Bon début.
Côtelettes d’agneau grillées. Classique
Georgettes farcies. Tiens donc !
Après réflexion, nous éclatons de rire.
Georgette, courgette, oui, oui, c’est ça !!