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Un voile de mousseline que j'avais oublié. Un voile de mousseline que j’avais oublié.

lundi 27 novembre 2017 par Elisabeth

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"Mousseline ! Comme cela sonne léger. Comme cela chuchote doucement" pensait la petite fenêtre de bois.
"Légère et douce, je le suis assurément " murmura la fraîche et jolie mousseline.
De son côté la petite fenêtre donnant sur la montagne, s’était mise à rêver. Son cadre de bois sombre et rugueux, n’avait jamais supporté de se voiler. "Pourquoi cacher ce paysage, beau comme un tableau de Turner, lumineux comme un Lorrain ? "
Un beau matin d’été trop chaud où pointait la canicule, la petite fenêtre avait cessé de faire la fière et de refuser voiles et voilages, rideaux et moustiquaire, summum de l’hérésie décorative.
" Vois, je ne laisse passer ni insectes indésirables ni papillons de nuit " argumenta la frêle mousseline auprès de son amie et compagne, "je suis légère et transparente, tu pourras encore regarder le soleil se lever, sortir du sommeil, éblouie. Le vent frais s’insinuera, passager discret il passera et repassera et te fera frissonner".
La mousseline se sentit heureuse enfin car la fenêtre l’avait accueillie toute entière et elle se gonfla, dégonfla au rythme des frasques aériennes, les oiseaux pépiaient invisibles, imprévisibles, ils accompagnaient sa danse désordonnée.
Leur nid n’était pas bien loin, leur conversation matinale l’intriguait. "Je pourrais bien leur donner la répartie, mon jeu retiendrait leur regard quand je retiens mon souffle, le spectacle se renouvèlerait chaque matin."
Loin, de l’autre côté des montagnes, un tout autre spectacle : drapeaux flottants, air sec et poussiéreux, chaleur torride, hommes casqués tout de kaki vêtus, corps endiablés, muscles tendus, la fureur du monde concentrée , fumées et claquement d’ armes automatiques, véhicules blindés,traversée du désert furieuse.
A Mossoul la légèreté et le silence n’était plus de mise, tout n’était qu’explosions, ruines, cris et douleurs. A Mossoul ce qui avait été construit s’effondrait, ceux qui avaient vécu là se dispersaient, disparaissaient. Ceux qui restaient se cachaient, la mort était en route, pouvait-t-on encore espérer l’arrêter ?
La belle mousseline n’avait plus de mère ni de sœur, les pères et les frères étaient partis, combattaient, se rebellaient, mouraient. Aux êtres humains qui survivaient, il ne restait que des mots pour prier.
Dans la chambre, la petite fenêtre ouverte sur la montagne et la jolie mousseline entendaient la radio tous les matins, elles étaient de plus en plus tristes, désespérées, les nouvelles n’étaient pas bonnes et cela durait depuis des mois.
Et puis un jour elles entendirent les mots "libération de Mossoul" et elles, de se réjouir mais leur cœur était brisé, car que restait-il de la ville natale de la jolie Mousseline, très loin là bas, de l’autre côté de ces cimes enneigées ? Ici la transparence de l’air frais et des matins calmes.
Et là-bas ? Que restait-il là-bas ?
Marylène


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